De notre correspondant dans la région,
Que s'est-il exactement passé cette semaine à Kiev ?
Mardi, le président Petro Porochenko a annoncé soutenir la création d’une Eglise unifiée, et deux jours plus tard, cette démarche a été approuvée par le Parlement. La situation de l’Ukraine est paradoxale. C’est à Kiev, il y a plus de 1 000 ans, qu’est née la civilisation slave orthodoxe. Seulement, au XVIIe siècle, le siège de l’Eglise orthodoxe a été transféré de Kiev à Moscou et depuis quatre siècles, l’Ukraine se trouve de facto sous l’autorité juridique du Patriarcat de Moscou.
Les autorités souhaitent donc une Eglise autocéphale, indépendante, comme cela est le cas ailleurs, en Roumanie ou en Serbie par exemple. Et pour ce faire, Petro Porochenko s’est rendu à Istanbul, à Pâques, il y a rencontré le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée, qui lui seul peut donner son accord à la création d’une nouvelle Eglise orthodoxe.
A quoi ressemble le paysage religieux en Ukraine aujourd’hui ?
L’Ukraine, aujourd’hui, c’est 70% de chrétiens orthodoxes, soit 30 millions de personnes, divisées en trois courants. Pour faire simple, concentrons-nous sur deux d’entre eux. Depuis quatre siècles, c’est l’Eglise du patriarcat de Moscou qui domine. Elle a été tolérée par les autorités soviétiques et elle dispose d’un réseau de plus de 12 000 paroisses.
Mais en 1992, un patriarcat de Kiev a été créé. Schismatique, non reconnu,
il contrôle environ 5 000 paroisses. Il y a dix ans, seuls 15% des Ukrainiens se reconnaissaient dans cette Eglise, mais aujourd’hui, 40% des Ukrainiens soutiennent le patriarcat de Kiev, et seulement 25% le patriarcat de Moscou.
Est-ce là un nouvel épisode de la guerre que se livre Moscou et Kiev ?
Pas tout à fait, car à vrai dire, la religion joue un rôle secondaire dans le conflit
entre les deux pays. Seulement, en 2014, les prélats du patriarcat de Moscou en Ukraine ont adopté des positions ambiguës, voire pro-russes, sur le dossier de la Crimée par exemple. Mais certains prêtres ont également soutenu l’action armée des séparatistes dans le Donbass.
Aujourd’hui, beaucoup d’Ukrainiens considèrent le patriarcat de Moscou comme un relais d’influence des politiques du Kremlin, voire un facteur de déstabilisation. Au final, l’annonce de Petro Porochenko vise à consolider la construction nationale, à couper les relais russes en Ukraine, qu’ils soient politiques, économiques ou spirituels, et à asséner pour de bon, que l’Ukraine n’appartient pas à la Russie.