de notre correspondant à Belfast,
Au fil des mois, plusieurs dates butoir ont été fixées, dépassées et repoussées… sans plus de succès. Mais cette ultime série de pourparlers, présentées comme des négociations de la dernière chance, semblaient en bonne voie. Vendredi dernier, on parlait d'une avancée notable avec, peut-être, à la clé un accord cette semaine. D'ailleurs, cela a suscité lundi une visite surprise et conjointe des Premiers ministres britannique et irlandais.
On imaginait un accord imminent... mais 48h plus tard, les deux principaux partis d'Irlande du Nord ont officialisé l'échec des discussions. Et depuis, c’est la guerre des mots, chacun s'accusant d'en être responsable. Or ils avaient annoncé que ces négociations ne pouvaient durer indéfiniment et que ce seraient sûrement les dernières.
Des désaccords profonds
Le Parti unioniste démocrate et les nationalistes du Sinn Féin sont en désaccord profond sur des sujets culturels et sociétaux que la crise politique a ravivés. Le principal point de crispation est la revendication des nationalistes qui souhaitent une loi de protection du gaélique, la langue irlandaise, que les Unionistes voient comme un outil de discrimination. Il y avait également des tensions autour du mariage homosexuel auquel s’oppose le parti unioniste démocrate.
Pourtant vendredi les deux camps sont apparus beaucoup plus optimistes. Sauf que durant le week-end, les nationalistes ont tenu un congrès durant lequel certains propos ont, semble-t-il, offusqué les Unionistes qui ont aussi jugé prématurée l'arrivée lundi à Belfast de Theresa May et de son homologue irlandais Leo Varadkar.
Ce que certains ont pris pour le signe d'une sortie de crise, les deux partis l'ont interprété comme une tentative de leur forcer la main et les discussions ont tourné court. Il faut savoir qu'en Irlande du Nord, les institutions fonctionnent sur base du compromis, souvent obtenu de longue haleine, tandis que certains discours et symboles peuvent très vite fragiliser cet équilibre.
Les réactions ne sont pas très positives…
Les petits partis, qui n'ont pas été associés aux pourparlers pendant ces treize mois, sont furieux et réclament la transparence sur ce qui a été discuté pendant tout ce temps… car jusqu'ici rien n'a filtré, au nom justement de la fragilité des négociations. L'opinion publique est, elle, désabusée. Une partie d'entre elle réclame depuis des mois des coupes de salaires pour les députés, élus mais qui sont au chômage technique faute de gouvernement.
La représentante du gouvernement britannique en Irlande du Nord va peut-être dire aujourd'hui si elle compte ou non demander au Parlement de Westminster de légiférer en lieu et place de l'assemblée de Belfast, notamment pour voter un budget qui est réclamé d'urgence par l'administration. La convocation de nouvelles élections est cependant peu probable et relancer une fois encore les négociations n'apparaît pas très réaliste.
Autrement dit, c'est plus que jamais l'impasse. En plein Brexit, les Nord-Irlandais n'ont aucun pouvoir politique pour les défendre. Une image désastreuse dans un pays à l’économie chancelante et alors que l'on va fêter en avril les vingt ans du des accords de paix qui avaient mis fin à 30 ans de violences communautaires entre unionistes et nationalistes.