Un parcours atypique
Qui est, donc, cet homme au parcours atypique ? Jörg Hofmann qui est fils d’enseignants. Il veut d'abord être agriculteur, avant de choisir des études d'économie. Marié à une Portugaise, il parle le français et c’est un européen convaincu.
C’est dans le syndicalisme que Jörg Hofmann fera finalement carrière. Il entre à IG Metall en 1987, il y a trente ans. Traditionnellement, les salaires et les conditions de travail négociés par ce syndicat servent de référence pour toutes les autres négociations dans le pays. Hofmann se fera remarquer par son habileté dans les discussions avec le patronat, notamment sur la formation professionnelle ou la flexibilité accordée aux patrons pour éviter les licenciements. Ce dernier point lui vaudra tout de même des critiques. Jörg Hofmann devient président d'IG Metall en 2015. Avec lui le syndicalisme allemand devient plus engagé.
Exemple parmi d’autres, lors du scandale des moteurs diesel truqués, quand la nouvelle direction de Volkswagen envisage de réduire les contrats d'intérimaires pour faire face à la crise, Jörg Hofmann rétorque que les salariés ne doivent pas payer les erreurs du patronat.
« La relance des négociations syndicales en Allemagne est évidemment un évènement important, nous explique Christian Stoffaës, président de l'Institut franco-allemand Genshagen et membre du Cercle des Economistes. Les syndicats allemands étaient toujours trop consensuels. Le fait qu’il y ait des manifestations importantes c’est une bonne chose pour l’Europe, et une bonne chose pour la France ».
Les revendications syndicales allemandes bonnes pour le reste de l’Europe ?
Avec 2 millions 300 000 membres, IG Metall est le plus puissant syndicat européen. Et l'économie allemande sert de modèle sur le continent. Très compétitive, elle s'appuie sur un consensus social inscrit dans la loi. Les salariés sont représentés au conseil de surveillance des entreprises. Ils sont leurs co-gestionnaires de leur entreprise.
Selon Jörg Hofmann ce modèle social allemand est parfait. Certes, mais il ne s'exporte pas bien pour autant. Pourquoi ? C'est parce qu'il profite d'abord à l'économie de l’Allemagne. Selon Christian Stoffaës, « l’extrême rigueur de la politique salariale en Allemagne aboutit à une sur-compétitivité allemande et à un excédent commercial trop important. Parce que l’excédent commercial de l’Allemagne égale à un déficit commercial des autres pays européens, et notamment de son principal partenaire économique qui est la France ».
Depuis plusieurs mois, en effet, Paris demande à Berlin d'investir davantage, afin de soutenir la demande européenne. Ces reproches à peine voilés n’empêchent pas l’amitié entre les deux pays. « C’est un nouveau théâtre qui est en train de s’installer », estime Christian Stoffaës. Nouvelle relation entre le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, dont on ne connaît pas encore les contours. « Il est essentiel pour l’avenir de l’Europe de voir comment s’entendent les deux pays. Et en particulier le nouveau contexte qui pourrait être issu du succès des revendications syndicales allemandes », conclut-il.
Jorg Hofmann est en première ligne de ces discussions qui décideront de l’avenir des travailleurs allemands. Mais ces négociations peuvent également se répercuter sur l’économie européenne. Le patron d'IG Metall a annoncé que sa centrale décidera le 26 janvier si une solution peut être trouvée à la table des négociations ou si une escalade est inévitable.