C'est un raz-de-marée opéré depuis le début de la semaine par le PiS de Jaroslaw Kaczynski, le parti des conservateurs. Ces derniers votent des lois en pleine nuit juste avant les vacances pour modifier le fonctionnement de la Cour suprême, du Conseil national de la magistrature et des tribunaux de droit commun. A tous les étages, le PiS veut donner plus d’autorité au ministre de la Justice sur les juges. Ce dernier pourra nommer les présidents de tous les tribunaux de droit commun. Au Conseil national de la magistrature, il pourra garder les juges qui lui plaisent et envoyer tous les autres à la retraite. Leurs remplaçants ne seraient plus désignés par d’autres juges, mais par le Parlement, et ce à la majorité simple, autrement dit par le PiS puisque ce dernier a la majorité absolue au Parlement.
Le président opposé au projet
Andrej Duda, le président polonais, exige que les membres du Conseil national de la magistrature soient élus par le Parlement à la majorité qualifiée des trois cinquièmes et non à la majorité simple. Il ne veut pas que le PiS puisse à lui seul imposer ses choix. Il éviterait ainsi les accusations d’instrumentalisation politique du Conseil de la magistrature.
Beaucoup doutent toutefois de la sincérité de cette démarche, estimant qu’il ne s’agit que du jeu du « bon et du mauvais flic » entre le président et le gouvernement. En attendant, le PiS va modifier son projet de loi, mais cela n’empêche pas les juges d’être très critiques envers la réforme. La présidente de la Cour suprême estime que le PiS détruit illégalement la Constitution polonaise. Même son de cloche pour le président du Conseil national de la magistrature. Tous deux estiment que si la réforme est adoptée, ce sera la fin de la séparation des pouvoirs en Pologne.
Un pays coupé en deux
La Pologne est coupée en deux entre libéraux et conservateurs et le fossé entre les deux camps est de plus en plus profond. Le PiS reste largement en tête des sondages, mais il y a aussi de grandes manifestations anti-gouvermentales dans les grandes villes du pays.
Dans la rue, pour le moment, cela se passe plutôt bien. En revanche, au Parlement, l’ambiance est électrique. Hier, les débats ont duré jusque tard dans la nuit et certains députés ont failli en venir aux mains. Le point culminant a été lorsque Jaroslaw Kaczynski, le chef du PiS, a littéralement disjoncté à la tribune après qu’un député de l’opposition a mentionné son frère jumeau décédé en 2010, Lech Kaczynski, pour appuyer ses critiques contre le projet de réforme de la justice. Jaroslaw Kaczynski a alors hurlé aux députés de l’opposition : « N’essuyez pas vos gueules de traitres avec le nom de mon frère. Vous l’avez détruit, assassiné. Vous êtes des canailles ! » Un pétage de plomb qui a conduit à l’interruption de la séance.