Carmelo Cuzzolino, capitaine chargé de la sécurité d’une plate-forme pétrolière libyenne, commande le Vos Thalassa, un remorqueur de 60 mètres. Vendredi en début d’après-midi il signale aux garde-côtes une embarcation de migrants qui agite un drapeau blanc. Plus tard, ces mêmes forces de l'ordre transbordent les migrants secourus sur le Vos Thalassa. A minuit, plus d’un millier de personnes sont entassées sur le pont du remorqueur, dont 15 enfants, grelottants, affamés, déshydratés… L’eau, les vivres et les couvertures manquent. Les migrants sont tendus, beaucoup deviennent menaçants. De plus, le capitaine n’a que 14 membres d’équipage qui finalement se sont barricadés dans le cockpit pour se protéger. Le bateau ne rejoindra le port de Palerme que le dimanche après-midi.
Deux jours sans soutien logistique
Un bâtiment militaire est bien parti vers le Vos Thalassa, mais a dû effectuer d’autres sauvetages en route. Samedi, le navire a obtenu un ravitaillement en eau, mais pas suffisamment pour subvenir à 1 000 personnes.
Pendant trois jours, les militaires et humanitaires qui assurent les transferts de migrants ont été débordés. Pour des raisons de sécurité, les débarquements étaient suspendus en Sicile pendant la durée de la réunion du G7 à Taormine. Des bateaux sont partis vers Naples, mais dans le canal de Sicile, la situation a été dramatique. Malgré l’aide des ONG, malgré les efforts des Libyens qui opèrent sur la zone, les Italiens n’ont pas de ressources suffisantes pour gérer l’augmentation du nombre de canots en détresse. Les conditions auraient d’ailleurs empiré puisque les passeurs volent désormais les moteurs des embarcations qu’ils abandonnent en haute mer.
Des accords et des engagements qui peinent à porter leurs fruits
Plus la mer est calme et plus les candidats à la traversée se font nombreux. Depuis le début de l’année, 60 000 migrants sont arrivés en Italie. C’est presque 50 % de plus que l’an passé à la même période. Les plus nombreux sont Nigériens, Bengalais et Ghanéens.
L’Italie a récemment passé des accords avec le Tchad, le Niger et la Libye pour un contrôle sur leur sol des candidats au départ. Les Italiens espèrent que ces accords permettront de limiter les voyages massifs et catastrophiques comme ce week-end. D’autant plus que pour ce qui est de l’accueil en Italie, le problème reste entier. Les centres existants sont saturés, les communes réquisitionnées pour l’accueil des migrants n’y arrivent plus, et les accords européens de 2015 pour une relocalisation des migrants dans les autres pays de l’Union européenne ont eu des effets dérisoires.