François Hollande: le testament africain

Sur l’Afrique, personne ne l’attendait. C’est pourtant sur ce continent que le président sortant de la République française se sera distingué, laissant, peut-être, une trace que l’Histoire retiendra.

Magali Lagrange : À une dizaine de jours du premier tour de la présidentielle française, quatre chefs d’État africains étaient à Paris, cette semaine, pour rendre hommage à leur ami, François Hollande, qui s’apprête à quitter l’Élysée. Plusieurs autres sont passés, ces derniers temps, et tous le remercient pour ce qu’il a fait pour l’Afrique. Comment expliquer cette popularité, en Afrique, pour un président qui semble si mal aimé, par ailleurs, dans son propre pays ?

Jean-Baptiste Placca : Il est exact que l’on a rarement vu autant de dirigeants africains venir faire leurs adieux à un chef d’État français sur le départ, et lui rendre aussi unanimement hommage. François Hollande et la plupart de ces dirigeants africains sont, certes, de la même génération, et ils se connaissent pour s’être côtoyés à l’Internationale socialiste. Mais, ces dirigeants africains sont, tous, convaincus que l’homme est intègre, et qu’il a non seulement rendu de très grands services à l’Afrique, mais, aussi, travaillé pour son peuple, et ils prédisent même que le peuple français ne tardera pas à le regretter.

François Hollande, au moment de son accession à la magistrature suprême, ne s’intéressait en rien à l’Afrique. Mais, en politique, l’Histoire vous propulse parfois, à votre corps défendant, là où vous ne pensiez pas. Le Mali, en danger face aux islamistes, a fait de François Hollande un chef d’État à qui l’Afrique doit beaucoup, et pour toujours. C’est, du reste, ce que le chef de l’État malien, Ibrahim Boubacar Keita (IBK), dans son discours d’ouverture du Sommet Afrique-France, en janvier dernier, a résumé par une de ces formules que l’Histoire retient fatalement, et qui faisait référence à la date du 11 janvier 2013, marquant le début de l’Opération Serval : « Ce jour-là, a-t-il dit, le destin du Mali tenait à une décision résolue et rapide de votre part, et vous l’avez prise, sans hésitation » !

Puis, les choses se sont emballées, et la RCA a suivi.


C’est ainsi que ce président, dans les profondeurs des sondages en France, en est venu à soulever les foules en Afrique, et à y être accueilli en héros par les populations.

L’autre jour, pourtant, le leader du « Balai Citoyen » affirmait, ici, que les mérites que lui trouvent les chefs d’État ne sont pas partagés par les peuples, et que, s’il n’en tenait qu’à François Hollande, Blaise Compaoré serait, par exemple, encore au pouvoir au Burkina…


C’est non seulement injuste, mais l’analyse, elle non plus, n’est pas juste, au regard de ce qu’était, dans un passé pas si lointain, l’attitude des chefs d’État français vis-à-vis de l’Afrique. Certes, François Hollande n’a pas poussé Blaise Compaoré dehors, mais nous savons tous qu’en d’autres temps, tout autre chef d’État français aurait œuvré autant qu’il le peut pour l’aider à se maintenir, comme beaucoup l’ont fait pour tant de dictateurs, sur le continent.  

Si le locataire de l’Elysée avait été un de ses prédécesseurs, la France aurait, d’une manière ou d’une autre, aidé Blaise Compaoré à sauver son régime. C’est en cela que quelque chose a changé, entre l’Afrique et la France de Hollande. Et c’est cela que « IBK » a traduit par cette idée, affirmant, en janvier dernier, que, de tous les chefs d’Etat français, François Hollande aura été celui dont le rapport à l’Afrique aura été « le plus sincère et le plus loyal ».

Hollande meilleur que de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac et Sarkozy ? N’est-ce pas un peu osé ?


Osé, peut-être. Mais, à l’analyse, l’historien ne s’égare point. Il parle de « rapport plus loyal et plus sincère à l’Afrique ». De Gaulle a, certes, décolonisé, mais l’Afrique lui doit aussi tout ce que les peuples vivent comme un néocolonialisme français, dont ce franc CFA que l’intellectuel sénégalais Jean-Pierre Ndiaye qualifiait de « corde laissée au cou » de l’Afrique indépendante. Pompidou n’a rien changé à cela. Giscard d’Estaing a renversé Bokassa pour des raisons personnelles, et aucunement dans l’intérêt du peuple centrafricain. Mitterrand n’a proposé aucun service après-vente à son discours de La Baule. Chirac, totalement décomplexé, a tout simplement ramené à l’Élysée Jacques Foccart, le metteur en scène de la Françafrique. Quant à Nicolas Sarkozy, beaucoup préfèrent lui faire la faveur de l’ignorance, plutôt que de l’accuser de mépris, avec son discours de Dakar. Sans compter qu’avec la liquidation du régime Kadhafi, il a déstabilisé toute une région, avec les conséquences que le continent subit encore.

Finalement, oui, « IBK » n’a pas tort de suggérer que Hollande est, de tous, celui qui a fait le moins de mal à ce continent. Pour le reste, l’Histoire dira s’il faut l’en remercier ou pas.

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