de notre correspondant à Madrid,
Jamais dans l’histoire espagnole récente, un président de région n’a été condamné à une telle peine. Elle est à la mesure de l’enjeu. Rappelons le contexte et les faits : depuis cinq ans, Artur Mas et les siens font tout pour organiser un référendum d’autodétermination dont Madrid ne veut pas entendre parler.
En novembre 2014, pour déjouer cette interdiction, Artur Mas a organisé en sous-main une consultation, qui avait lieu dans les écoles et collèges. Résultat; 35% de participation et 90% de oui. Une consultation illégale, bien sûr. La justice espagnole avait alors exigé d'Artur Mas qu'il fasse enlever les urnes et lui, au nom « du droit de décider du peuple catalan », c'est son expression, s’y était opposé. C’est sur ce point qu’il a été condamné. Lui et deux autres leaders femmes, Irene Riga, inéligible pour 1 an et six mois et Joana Ortega, pour 1 an et 9 mois.
Quelle situation cela provoque-t-il ?
Cela crée une situation qui n’est convenable pour aucun des deux camps. A Madrid, on estime que la désobéissance et le processus séparatiste unilatéral sont des choses graves, et que deux ans d’inéligibilité c’est une sanction plutôt clémente pour Artur Mas. D’autant que cela permettrait à ce dernier de se présenter aux prochaines élections régionales de 2019, et donc de poursuivre sa carrière en tentant d’arracher au forceps une indépendance que Madrid voit comme une authentique catastrophe. De son côté, Artur et ses lieutenants protestent en disant que c’est là le verdict d’un régime et d’un pays, l’Espagne, peu démocratique. Et il a beau jeu d'assurer que cette décision judiciaire est « un accélérateur du processus séparatiste ».
La Catalogne, une des régions les plus riches, peut-elle faire sécession ?
A priori, c’est une impossible car pour une séparation, il faudrait le feu vert de l’Union europenne, qui rejette aussi cette option et il faudrait aussi le feu vert du Parlement national espagnol, qui le refuserait à environ 80% des députés. Mais, on ne peut pas tout à fait rejeter cette perspective ne peut être totalement écartée pour autant.
Une courte majorité de Catalans sont favorables à la séparation d’avec le reste de l’Espagne, perçu comme un Etat qui ne respecte pas la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Au Parlement catalan, une autre courte majorité d'élus sont aussi favorables à une scission. Et les leaders catalans voient avec une sorte de jubilation l’initiative de l’Ecosse d’organiser de nouveau un référendum pour sortir du giron britannique. Car sortir du giron espagnol, ce serait le rêve pour de nombreux Catalans. Ce serait aussi un cauchemar pour l’autre moitié.