A la Une: le feuilleton Fillon s’accélère

Encore des éléments embarrassants pour le candidat Les Républicains. Ce soir, rapporte Le Parisien, le magazine Envoyé Spécial, sur France 2, diffuse un reportage consacré à l’affaire. On pourra y voir une interview que Penelope Fillon avait accordée au quotidien britannique The Sunday Telegraph le 18 mai 2007. « Alors que son mari venait d’être nommé à Matignon, Penelope Fillon y évoque sa vie quotidienne, relate Le Parisien. Elle explique qu’elle se rend parfois à des meetings, se met au fond de la salle et écoute de loin, qu’elle a été très investie à Sablé-sur-Sarthe. Et il y a deux phrases déterminantes où elle dit : "Je n’ai jamais été l’assistante de mon mari et je ne me suis pas non plus occupée de sa  communication". Elles sont prononcées en 2007 alors qu’on sait que Penelope Fillon a été payée pendant quatre ans comme assistante parlementaire par son mari de 1998 à 2002. Cela pose, pointe Le Parisien, de vraies interrogations sur l’emploi fictif ».

Certes, reconnait Libération, « la définition de l’emploi d’assistant parlementaire est suffisamment floue pour laisser une grande marge d’interprétation ; il est difficile, en logique et en pratique, de prouver que quelque chose - un travail en l’occurrence - n’existe pas. Les fillonistes peuvent espérer un classement de l’affaire, faute de preuves ».
Mais, « l’ennui, c’est que le mal est déjà fait, en grande partie, s’exclame Libération. Déjà, les trois quarts des Français interrogés dans une enquête réalisée avant les nouvelles révélations du Canard ne croient pas à la version Fillon. Et les récents éléments d’intentions de vote tendent à montrer une baisse sévère de la cote du candidat. Encore quatre ou cinq sondages de la même eau et l’inquiétude laissera place à la panique. On décrétera que le candidat n’est plus un atout, mais un obstacle. La justice chemine, le temps politique galope ».

En effet, renchérit Sud-Ouest, « chacun a bien compris que cette affaire abracadabrantesque d’assistants parlementaires relève moins de la Justice que de la politique, et que ce n’est plus d’honneur d’un justiciable qu’il est question, mais de la crédibilité d’un candidat à l’élection présidentielle. Ce ne sont plus désormais de nouvelles révélations qui menacent François Fillon - que pourraient-elles apprendre de plus sur sa petite entreprise familiale – c’est la panique dans son propre camp qui pourrait l’emporter ».

Les socialistes tireraient-ils les ficelles ?

Justement, ce matin, les grands leaders de la droite signent une tribune commune dans Le Figaro pour apporter leur plein soutien à François Fillon. Et l’intéressé contre-attaque. François Fillon s’en prend maintenant à la majorité présidentielle. « Dans la tourmente, Fillon accuse "le pouvoir" », titre Le Figaro. « "Nous sommes en face d’une véritable tentative de coup d’État institutionnel", a-t-il lancé avec virulence. Alors que ces derniers jours il avait parlé de "boules puantes", mis en cause des "officines" et des "forces", le candidat a pour la première fois désigné ceux qu’il estime être derrière ces révélations. "Cette opération ne vient pas de chez nous, elle ne vient pas de nos rangs", a-t-il entamé. "Cette affaire vient du pouvoir ; elle vient de la gauche, elle vient de ceux qui savent qu’ils ne peuvent pas gagner l’élection présidentielle et qui ont choisi un autre terrain que celui de la démocratie" a-t-il ajouté. Des accusations aussitôt démenties par l’Élysée, pointe Le Figaro. "Le seul pouvoir, c’est celui de la justice", a répondu un conseiller du président. Jusque-là, l’entourage du chef de l’État et la gauche n’avaient guère réagi. »

Commentaire du Figaro : « nul ne peut croire au hasard et ne pas voir là une étrange coïncidence entre la publication de cette affaire et l’approche de la présidentielle. Écrasant vainqueur de la primaire de son camp, François Fillon était le grand favori de la course à l’Élysée. À ce titre, il était l’homme à abattre. Il était donc urgent de trouver les moyens de le convoquer au tribunal de l’opinion publique. Reste cette question : à qui profite le crime ? »
Le Figaro n’accuse personne, mais note que « les socialistes se remettent à espérer. Il faut dire qu’en quelques jours, le climat politique a radicalement changé, pointe le quotidien d’opposition. Avec l’irruption de l’affaire Fillon et la large victoire de Benoît Hamon, la confiance a changé de camp. La droite, qui se préparait dans l’unité à une élection imperdable, est brutalement saisie d’angoisse. Tandis que les socialistes, qui se préparaient à aller à l’abattoir électoral, se remettent à espérer. À espérer doublement même. Face à la droite, et face à Macron ».

Attention tout de même, s’exclame La Voix du Nord, « la grave accusation de "tentative de coup d’État institutionnel" lancée hier par François Fillon en direction du pouvoir en place manque d’éléments à charge. La théorie du complot peut aussi amener à regarder en direction de sa propre famille politique où il ne compte pas que des amis. Une famille où les premières voix s’élèvent pour appeler à un changement de candidat avant qu’il ne soit trop tard ».

Le monde politique cul par-dessus tête

En effet, à droite, c’est la Berezina… « Le bateau tangue, relève La Presse de la Manche, François Fillon a du courage et de la ténacité, mais il est désormais en voie d’exécution. Sans doute est-ce pour un candidat promis à une victoire quasi certaine un revers très difficile à vivre. Mais il va apparaître préférable à son camp que ses idées soient défendues par un candidat ayant la confiance de l’opinion publique, plutôt que de tout perdre ».

François Fillon demande à son camp quinze jours de délai… Mais « quinze jours, c’est une éternité, s’exclame La Nouvelle République du Centre Ouest, dans le contexte d’une campagne affrontée dans ces conditions. Et puis derrière il y aura l’autre à mener en juin. Celle des législatives. Alors les rangs se desserrent, c’est normal et c’est humain ».
Du coup, constatent Les Echos, on est dans « une très grande incertitude sur l’élection présidentielle, à n’en point douter. Février est habituellement le mois de la cristallisation des intentions de vote ; il s’ouvre cette fois-ci sur une déflagration. Le candidat le plus légitime possible, François Fillon, élu il y a juste deux mois par une primaire record, menace d’exploser en plein vol. Dès lors, absolument tout parait possible, estime le quotidien économique. Y compris une victoire de Marine Le Pen, même si elle est elle-même empêtrée dans des affaires. Le monde politique est cul par-dessus tête et risque de le rester plusieurs semaines ».

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