RFI : Marc Féret a porté plainte contre X pour « complicité de séquestration en relation avec une entreprise terroriste et non-assistance à personne en danger ». A-t-il été entendu jusqu’à présent ?
Maître Mario-Pierre Stasi : Il a été entendu avec ses avocats, Sophie Obaida et moi-même, dans le cadre d’une longue, précise et importante audition au mois de juin dernier.
RFI : Cette instruction avance-t-elle ?
Maître Mario-Pierre Stasi : Elle avance, doucement, mais elle avance.
RFI : Dans ce dossier, il y a plusieurs documents. Il y a notamment des lettres d’Abou Zeid, des e-mails du négociateur Jean-Marc Gadoullet et de plusieurs cadres d’Areva et de Vinci. Ces documents ont-ils été expertisés ?
Maître Mario-Pierre Stasi : Pour certains, l’authenticité ne fait pas de doute ; pour d’autres, il se trouvait déjà dans le dossier une lettre d’Abou Zeid je crois déjà traduite, une deuxième lettre en cours d’expertise me dit-on. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces nouveaux faits et les pièces que nous avons communiqués regroupent une seule et même interrogation : pourquoi, alors qu’en avril 2012, tout était en place et organisé auprès de la direction de Vinci, de la direction d'Areva, du négociateur Jean-Marc Gadoullet et du ravisseur Abou Zeid, pour une libération notamment de Marc Féret. Et comment se fait-il que brusquement, en haut de l’Etat, le général Benoît Puga, pour ne pas le nommer, chef d’état-major…
RFI : Chef d’état-major particulier de l'ancien président Nicolas Sarkozy.
Maître Mario-Pierre Stasi : Avant d’être celui de François Hollande, et nous sommes dans la période de l’entre-deux tours, comment se fait-il qu’il y a eu un veto à la libération de monsieur Marc Féret ? Sans qu’aucune raison valable, motivation de quelque sorte que ce soit, n’ait pu être avancée, monsieur Gadoullet a dû interrompre sa mission. On se pose plein de questions, notamment celle-ci : Puga, le général, que l’on décrit comme l’homme de Nicolas Sarkozy, reste après et se voit confirmer dans ses fonctions. Pour quelles raisons ?
RFI : Qu’est-ce que vous sous-entendez ?
Maître Mario-Pierre Stasi : Je constate à la lecture des documents que ce même homme que l’on qualifiait comme homme lige, homme de confiance, petit cercle de Nicolas Sarkozy, président de la République, se retrouva exactement à la même place et confirmé par le président François Hollande, et que la libération de Marc Féret qui aurait dû intervenir pendant la présidence de Nicolas Sarkozy aura été retardée. Etait-elle prévue quelques semaines après ? Quels risques terribles sur la vie de ces otages et de mon client ! Quels risques inconsidérés voire criminels si tel a été le cas !
RFI : Celui qui est nommé dans les échanges dans le dossier, c’est le général Puga, mais c’est l’interlocuteur entre les groupes Vinci-Areva et l’Elysée. Mais ce monsieur Puga répond aux ordres de Nicolas Sarkozy. Pourquoi ne pointez-vous pas éventuellement la responsabilité du président Nicolas Sarkozy ?
Maître Mario-Pierre Stasi : Parce que je suis un avocat sérieux et que, quand Sophie Obadia et moi-même avons eu les pièces que notre client Marc Féret nous a communiquées, il était fait état dans ces pièces d’ordres donnés par le général Benoît Puga, point. Donc, une certitude : Le général Benoît Puga, chef d'Etat major particulier de l'ancien président Nicolas Sarkozy. Un constat : un temps politique qui n’est pas anodin. Je demande simplement à ce que les enquêteurs et la justice française permettent de lever tous les doutes. Et s’il y a des responsabilités politiques qui doivent être constatées, on ira jusqu’aux responsabilités politiques. Le souci de Marc Féret, c’est la manifestation de la vérité. En un an et demi, il a tout perdu : sa femme, sa vie sociale, un an et demi de plus de traumatisme. De savoir qu’on aurait dû être libéré et que c’est de l’intérieur, venant de son propre pays que cette libération a pu être retardée d’un an et demi, les conséquences de l’ordre psychologique sont terribles.
RFI : Le général Benoît Puga, l’Elysée, a peut-être choisi à ce moment-là de ne pas faire cette libération pour d’autres raisons. Peut-être que les conditions n’étaient pas réunies et qu’ils avaient eu des informations par ailleurs ?
Maître Mario-Pierre Stasi : C’est possible, mais qu’il en réponde, qu’il en donne les explications.
RFI : A ce moment-là, il y a aussi une lutte en coulisses : Pierre-Antoine Lorenzi [alors patron de la société de sécurité privée Amarante] cherche à servir d’intermédiaire alors même que Jean-Marc Gadoullet est déjà en négociation avec les ravisseurs. Cette concurrence-là peut-elle aussi avoir entraîné le blocage de la libération ?
Maître Mario-Pierre Stasi : Jusqu’à présent, vous avez remarqué que je n’ai émis aucune hypothèse. Je n’ai fait que relater la lecture de documents joints à la plainte dont l’authenticité n’est pas à mettre en doute.