Les inondations se multiplient ces dernières années en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Vous avez effectué des mesures concernant Dakar, au Sénégal. Quelles sont vos résultats ?
Mouhamadou Diakhaté: Nous avons effectué plusieurs travaux concernant les inondations et nous avons donc fait la comparaison de la normale de 1951 à 1980, et celle de 1981 à 2010. Cette étude a révélé qu’il y a une reprise des précipitations et que durant cette période de 1981 à 2010, il y a eu des épisodes où nous avons reçu véritablement un trop plein de pluie. C’est ce qui a déclenché ces phénomènes d’inondations urbaines qui sont donc devenus récurrents.
Il y a les épisodes pluvieux mais aussi d’autres phénomènes pour expliquer la récurrence des inondations. On peut parler notamment de l’urbanisation, mais aussi du dérèglement climatique ?
Oui. Dakar a enregistré un exode rural massif qui a fait que tous les espaces qui étaient libérés par les mares ou marigots et qui étaient asséchés ont été occupés. Ceci a conduit aux problèmes que nous connaissons actuellement. Dès qu’il tombe quelques millimètres de pluie, à Dakar, beaucoup de quartiers sont inondés. Il faut dire que ce phénomène commence à être maitrisé car nous avons un début de solution grâce à des travaux qui ont été menés dans le cadre du nouveau plan d’assainissement.
Plus précisément, en 2012, un plan de gestion des risques a été lancé suite à un épisode meurtrier d’inondations. Concernant ce plan, qu’est-ce qui a été fait depuis et qu’est-ce qui a été fait, en particulier, pour prévenir les inondations ?
Ce nouveau plan d’assainissement s’est adossé sur des travaux scientifiques pour réaliser et calibrer les ouvrages comme, par exemple, des retenues, des déversoirs d’orages ou encore des caniveaux qui ont été construits au niveau de certaines zones extrêmement sensibles. Dans la banlieue, par exemple, il y a des zones qui sont particulièrement sensibles et qui, jadis, étaient occupées par des rizières.
L’idée c’est de drainer l’eau pour que dès qu’il y a une forte pluie, elle s’écoule plus rapidement ?
Tout à fait. L’idée, c’est de drainer l’eau à travers ces ouvrages qui sont des canaux ou encore des caniveaux vers des exutoires qui ont été désignés.
Précisons quand même que l’eau s’écoule vers les quartiers, c'est à dire vers l’est, et non pas vers l’océan ...
Tout à fait. C’est, en fait, la configuration de Dakar qui fait ça. Il y a un microrelief qui borde la presque île du Cap-Vert et qui fait que les eaux de précipitations suivent les dénivelés vers les cuvettes où sont précisément installées les populations. Aussi, pour pouvoir régler ce problème, lorsque l’on construit, il faut que le sens et l’orientation des canaux suivent le sens de l’écoulement des eaux.
Donc passer par les quartiers ?
Forcément. De plus, cela nous ferait l’économie d’un déménagement des populations et même d’un déménagement massif des populations.
Ces travaux, ont-ils eu des effets concrets ces dernières années ?
Totalement. L’eau qui stagnait pendant des mois ne reste plus maintenant que pendant quelques heures ou quelques jours. Il n’y a que quelques poches d’inondations qui subsistent où sont installées des motopompes pour régler provisoirement le problème, en attendant que le programme se poursuive.
Il y a aussi, concernant ce problème, le comportement de certains habitants qui aggravent le phénomène des inondations, à savoir ceux qui jettent leurs ordures dans les égouts ou ceux qui ouvrent leur fosse septique quand il pleut, par exemple. Est-ce qu’il y a là un effort de sensibilisation à faire auprès de la population ?
Totalement. Il y a là vraiment quelque chose de grand à mettre en œuvre. Je pense qu’il faut construire une nouvelle citoyenneté. Beaucoup de populations utilisent les caniveaux comme des sortes de déversoir ou de poubelle et il y a donc quelque chose à faire pour non seulement conscientiser les populations mais aussi, peut-être, pour aller plus loin et prendre des mesures coercitives. Il y a une loi et des règlements qui existent mais qui ne sont pas respectés.