Jamais depuis le décès du très nationaliste président Franjo Tudjman, en 1999, la société croate n'avait été à ce point divisée. En janvier, les différentes composantes de la droite ont réussi à former une coalition gouvernementale dominée par le HDZ, la formation historique du nationalisme croate. La charge de Premier ministre est revenue à un parfait inconnu, Tihomir Orešković.
Vers une révolution conservatrice
Alors même qu'elle dispose d'une majorité fragile, cette coalition semble décider à mener au pas de charge une révolution conservatrice. Objectif : étendre à toutes les couches de la société une idéologie nationaliste qui s'appuie sur la mémoire des combattants de l'indépendance et des guerres des années 1990.
Pour les promoteurs de cette « révolution idéologique », il ne suffit pas de violemment dénoncer l'héritage communiste de la Yougoslavie, il faut aussi s'attaquer aux « ennemis de la nation », soit les minorités nationales comme les Serbes, les féministes et les gays, les libéraux, les journalistes indépendants. En résumé, tous ceux considérés comme des « adversaires » du parti au pouvoir. Depuis quelques mois, les menaces contre les universitaires ne soutenant pas cette ligne nationaliste se sont ainsi multipliées, tout comme celles contre les artistes, les militants associatifs ou contre les médias d'opposition.
La nomination de Zlatko Hasanbegović, une erreur de casting ?
A son arrivée au ministère de la Culture, on aurait pu croire que le gouvernement avait surement commis une erreur en nommant un historien notoirement connu pour ses positions révisionnistes. Durant les années 1990, Zlatko Hasanbegović dirigeait la section jeune du Pur parti croate du droit, un mouvement ultranationaliste se voulant l'héritier du régime oustachi d'Ante Pavelic, un régime qui a massacré plusieurs dizaines de milliers de Serbes, de Juifs, de Roms et de résistants durant la Seconde Guerre mondiale.
Ce pedigree semble pourtant convenir à la politique que souhaite le Premier ministre Tihomir Orešković : depuis son arrivée au pouvoir, Zlatko Hasanbegović tente de reprendre en main les médias et le monde de la culture. Il a ainsi licencié plusieurs dizaines de journalistes de la télévision nationale, il a supprimé les aides financières de l'Etat aux médias à but non lucratif et il a coupé les subventions aux théâtres refusant de s'aligner sur la ligne nationaliste du parti. Il ne se prive pas de dénoncer une hypothétique « bolchévisation de l'Europe ».
Mener une politique nationaliste
La question est posée depuis des semaines par les militants de la société civile. Mais force est de constater que, depuis l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne, le 1er juillet 2013, Bruxelles ne dispose plus d'aucun moyen de pression pour rappeler Zagreb à l'ordre.
L'Union démocratique croate, le HDZ, estime donc avoir toute liberté pour mener à bien sa politique nationaliste, tout comme les gouvernements des autres pays du groupe de Visegrád, la Hongrie, la Slovaquie ou la Pologne. Les plus pessimistes se préparent donc à des années difficiles.