La génération sacrifiée contre la loi El Khomri

Les étudiants français étaient dans la rue mercredi 9 mars 2016 contre la loi El Khomri. La réforme du Code du travail fait peur à cette génération qui se considère comme sacrifiée. Vrai ou faux ?

Ce sentiment très répandu chez les 15-24 ans repose sur une donnée objective : le quart d'entre eux connait le chômage. C'est deux fois plus que la moyenne nationale. Leurs difficultés à décrocher un emploi retardent leurs projets de jeunes adultes, et notamment l'accès au logement quasiment hors de portée en France sans un CDI. Il y a dix ans, les jeunes sont descendus déjà dans la rue pour rejeter le CPE, le « contrat première embauche » qui devait permettre de les licencier facilement jusqu'à leurs 26 ans. Ils étaient déjà un sur 4 au chômage, cela veut dire que depuis, rien n'a vraiment été entrepris pour sortir de l’impasse cette génération exclue du travail.

Partout en Europe la génération Y est plus victime du chômage que les générations précédentes

Le Guardian a publié récemment une étude comparant la situation économique des jeunes de 7 pays occidentaux. Sa conclusion est alarmante : dans plusieurs pays, les revenus des jeunes adultes nés entre 1980 et 1995 sont inférieurs de 20 % à la moyenne nationale. Aux Etats-Unis la dette contractée pour financer les études grève les revenus des jeunes et en Europe c'est bien le chômage qui est la principale cause de leur appauvrissement. Les disparités avec les baby-boomers sont d'autant plus choquantes que ces derniers ont vu au contraire leurs revenus exploser.

Cela veut dire qu'il est plus difficile d'être jeune aujourd'hui que dans les années 60 ?

« C'était mieux avant » ! Cette impression est partagée par les jeunes comme par leurs parents ou leurs grands-parents. En fait, ce n'est pas tout à fait vrai : la richesse nationale en France comme dans le reste de l'Europe a augmenté, ainsi que le niveau d'éducation et l'espérance de vie. Dans son enquête le Guardian commence d'ailleurs par constater que les jeunes d'aujourd'hui ont des revenus plus importants que les jeunes d'hier, c'est-à-dire que leurs parents au même âge.

L'autre bémol à cette thèse de la génération sacrifiée aujourd'hui mobilisée émane d'un ancien syndicaliste. François Chérèque, qui a dirigé la CFDT, comprend son désarroi, mais fait remarquer que « la jeunesse qui souffre le plus n'est pas dans la rue ». En clair ce ne sont pas les étudiants, c'est-à-dire les diplômés de demain qui sont écartés du marché de l'emploi, mais ceux qui sortent de l'école sans formation.

Les jeunes non qualifiés sont les plus touchés par le chômage.

Trois après la sortie de l'école, 48 % des sans diplôme, c'est-à-dire presque un sur 2 sont au chômage. Ceux-là sont bien sacrifiés, sinistrés. Tandis que ceux qui terminent leurs études avec un diplôme de l'enseignement supérieur en poche sont 9 % seulement à connaitre encore le chômage trois ans plus tard. Les mieux formés sont aussi ceux qui signent plus vite le fameux CDI. Les non qualifiés sont les premières victimes du blocage du marché français du travail soutiennent les économistes favorables à la loi El Khomri. En faisant sauter les verrous, la réforme leur sera profitable.

C'est le pari du gouvernement, mais pour le gagner, il faut d'abord que la loi passe. Le premier ministre Manuel Valls et sa ministre du travail Myriam El Khomri reçoivent demain les représentants de cette jeunesse remontée pour les entendre, on verra s'ils sont prêts à améliorer le texte en faisant plus de place à la formation dans un dispositif qui pour l'instant fait plutôt ressortir la flexibilité du marché de l'emploi que la sécurité.

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