Général Mokoko (Congo-B): «Je suis en mesure de proposer des solutions»

Le président congolais Denis Sassou-Nguesso perd un allié de poids. On savait que les deux hommes ne s'entendaient plus, mais c'est désormais officiel : le général Jean-Marie Michel Mokoko sera candidat à la présidentielle du 20 mars au Congo-Brazzaville en tant qu’indépendant. Il doit rentrer sous peu à Brazzaville pour l’officialiser. L'été dernier déjà, l'ancien chef d'état-major des forces armées congolaises s'était publiquement opposé au projet de réforme de la Constitution qui permet à l'actuel président de briguer un nouveau mandat. Le 3 février, ce militaire, représentant spécial de l’Union africaine, chef de mission pour la Centrafrique et l’Afrique centrale, ancien chef de la Minusca, avait démissionné de ses fonctions de conseiller à la présidence congolaise chargé des questions de paix et de sécurité. Poste qu'il occupait depuis 2005. Le général Mokoko est l'invité de RFI ce matin. Par téléphone depuis Bangui, il répond à Florence Morice.

RFI : Pourquoi avoir démissionné de vos fonctions de conseiller à la présidence du président Sassou ?

Général Mokoko : J’ai démissionné parce que, comme vous le savez, il y a une échéance qui va se dérouler pour l’élection présidentielle au mois de mars. Je voulais être déchargé de mes fonctions pour avoir liberté de manœuvre dans tout ce que je vais entreprendre pour cette échéance.

Ça signifie que vous avez décidé de vous présenter à l’élection du 20 mars prochain ?

Je serai candidat. Je serai candidat parce que j’estime que j’ai des choses à dire et que j’ai réfléchi pendant longtemps aux différentes problématiques de mon pays et je pense que je suis en mesure de proposer des solutions à mes compatriotes.

Quel a été l’élément déclencheur de cette décision ?

Ce n’est pas une question d’amour propre ou de quoi que ce soit. Je sais que dans mes fonctions actuelles au niveau de l’Union africaine, j’exerce une espèce de monitoring sur toutes les questions de paix et de sécurité, or, depuis pratiquement deux ans, il y a un débat au Congo et qui m’a donné la conviction que ce débat pouvait accoucher des situations regrettables. Et comme vous savez, dans cette partie de l’Afrique, quand on parle des élections souvent on rentre dans des zones de turbulence.

En juillet dernier, en tant que représentant de l’Union africaine vous aviez dit clairement votre désapprobation face à un changement de Constitution. Comment est-ce que le président Sassou a réagi à ce moment-là, lui qui pouvait jusqu’à présent compter sur votre loyauté ?

J’ai été cet officier qui a servi du mieux qu’il pouvait dans la loyauté, en toute honnêteté, mais je suis aussi un citoyen congolais qui est interpellé par les problèmes de son pays. Prendre position sur quelque chose qui interpelle votre conscient ça ne veut pas dire que vous êtes devenu déloyal.

Cela vous a valu d’être rappelé à Brazzaville pour consultation par le ministre de la Défense. On a essayé de vous faire changer d’avis ces derniers mois ?

J’ai trouvé tout à fait inélégant de la part de mon ministre de tutelle de me convoquer et comme pour me demander de transgresser les règles pour lesquelles un contrat me lie à l’Union africaine. Ma mission étant d’observer ce qui se passe dans les pays de l’Afrique centrale et sur ce qui s’est passé au Congo, c’est ce qui m’a donné raison d’ailleurs, puisque le 20 octobre, comme vous savez, il y a eu mort d’homme. Et dans un débat qui devrait être un débat consensuel puisqu’il s’agit des institutions de notre pays, il n’était pas normal qu’il y ait ne serait-ce qu’un mort.

Aujourd’hui, vous êtes candidat. Vous qui avez passé ces dernières années dans les institutions africaines au service du maintien de la paix, est-ce que vous risquer dans l’arène de la politique intérieure congolaise, ce n’est pas un trop gros pari ?

Il arrive dans la vie d’un homme que parfois on soit amené à prendre des décisions qui comportent des risques. J’ai décidé d’aller m’adresser à mes compatriotes et je pense que c’est mon droit le plus absolu de dire ce que j’ai à dire et de leur proposer, lorsque la campagne battra son plein, des solutions auxquelles j’ai réfléchi depuis de longues années. Et écoutez… Si ça comporte des risques, j’accepte de courir ces risques. Je ne le fais pas parce qu’il avait programmé d’avoir une carrière politique. Non, je pense que j’ai fait une bonne carrière militaire, c’était le but de ma vie, et je pense que s’il y a un appel de mes compatriotes, il n’y a pas de raison que je n’y réponde pas.

Est-ce que votre candidature signifie que selon vous les conditions aujourd’hui sont réunies pour un scrutin transparent et crédible en mars prochain ?

Pour moi, si c’est organisé par le ministère de l’Administration du territoire, un tel scrutin suscite des inquiétudes en ce qui concerne sa sincérité.

Vous voulez dire qu’en l’état vous n’avez pas de certitude que la Commission électorale nationale indépendante (Céni) annoncée soit réellement indépendante, c’est ça ?

Mais oui, puisque le ministère de l’Administration du territoire est en train de faire tous les travaux qui devaient relever de la Céni. C’est déjà une transgression de l’indépendance de cette Céni.

Pourquoi y aller malgré tout si vous doutez de la transparence de ce scrutin ?

Je vais y aller parce qu’il faut que le peuple se rende compte aussi que les choses ne se passent pas comme ça devrait se passer. Ça va être une occasion pour moi de parler librement et de dire comment les choses se passent.

Vous vous présentez en indépendant, n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas unir vos forces avec les plateformes d’opposition que sont l’IDC et le Frocad, par exemple ?

Moi, je me présente en indépendant parce que si d’aventure on me faisait confiance, je veux apporter des réformes sans être dans un corset. Je serai donc un candidat indépendant, avec des comités de soutien que je me suis employé à mettre en place discrètement. Je veux rentrer à Brazzaville pour les fédérer – jusqu’à présent, les gens travaillaient de façon fractionnée – puis, c’est ça qui constituera ma base. En tout cas, pour le premier tour chacun devra montrer un peu ce qu’il représente dans le pays et si d’aventure j’étais au deuxième tour, je ne ferme aucune porte dans les négociations qu’on pourrait avoir. Je ne ferme aucune porte.

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