RFI : Albert Toikeusse Mabri, au moment où démarre le procès Laurent Gbagbo on sent que la Communauté africaine est très divisée. On le voit à Addis-Abeba. Comment réagissez-vous ?
Albert Toikeusse Mabri : Les divisions, vous en connaissez les raisons, c’est quelque fois des questions de politique nationale et évidemment quand des pays au plus haut niveau sont concernés par ces dossiers à la Cour pénale internationale, on peut comprendre. Et il y a des amitiés qui entrent en jeu. En ce qui nous concerne, vous savez tous comment Laurent Gbagbo a été conduit à la CPI. C’est un procès que nous suivons de près et nous attachons du prix à toute décision qui sera prise là-bas. Nous voulons que ce soit fait dans le cas du droit, du droit international, et nous faisons confiance en tout cas aux juges qui rendront le verdict.
Mais le fait qu’il y ait ici à Addis-Abeba des chefs d’Etat, comme l’Ougandais Yoweri Museveni, qui soutiennent ouvertement Laurent Gbagbo ça ne vous gêne pas ?
Non, écoutez… Ce sont leurs positions personnelles. Nous ne pouvons pas en vouloir à un pays de prendre une position. Mais ce que les uns et les autres doivent savoir, lorsque que quelqu’un ne respecte pas ses serments, il peut arriver que soit devant une juridiction nationale ou internationale qu’on ait donc à rendre compte. C’est le cas pour Laurent Gbagbo et nous souhaitons que nos frères africains comprennent cela.
Mais vous savez ce que disent un certain nombre de chefs d’Etat comme l’Ougandais Yoweri Museveni : la Cour Pénale Internationale, c’est un tribunal créé par les Occidentaux pour se débarrasser des hommes politiques africains dont ils ne veulent pas ?
C’est un débat qui est en cours. Nous pensons que nous finirons par nous comprendre et adopter une position africaine en faveur du respect des droits de l’homme pour nos citoyens.
Ce qui frappe beaucoup d’observateurs c’est que la justice internationale ne poursuit qu’un seul camp, le camp de Monsieur Gbagbo, et qu’apparemment les gens du camp de Monsieur Ouattara bénéficient de l’immunité.
Je n’ai pas d’éléments pour répondre à la place de la CPI ou de Madame la procureure. Mais j’ai entendu hier à l’occasion de la conférence de presse qu’elle dit qu’il y a des progrès notables au niveau des enquêtes dans les deux camps et qu’une suite sera donnée en ce qui nous concerne au niveau du gouvernement et au niveau du chef d’Etat en particulier. Nous disons que personne ne doit être mis de côté et que tous ceux qui doivent rendre compte devant la justice rendront compte et y compris au plan national où des dispositions sont prises. Des procès sont en cours ou seront engagés.
Autre sujet d’actualité : le terrorisme qui frappe l’Afrique de l’Ouest : en novembre Bamako, ce mois de janvier Ouagadougou. Le président béninois Thomas Boni Yayi a eu ce mot : «A qui le tour maintenant ?» Est-ce que vous craignez des attentats à Abidjan ?
Evidemment, nous craignons des actions dans toutes les capitales. La Côte d’Ivoire a pris des dispositions pour travailler surtout dans le cadre d’une coopération entre les pays en matière de renseignement pour avoir une capacité d’intervention. Et je crois que les chefs d’Etat s’attachent aujourd’hui à développer cette capacité d’intervention rapide avec des forces nationales, régionales pour la sécurité.
Et je crois que la Côte d’Ivoire s’est dotée d’une institution forte pour lutter contre ce fléau. ?
Le Conseil national de sécurité a été mise en place depuis le premier mandat du président. Ce n’est pas une réaction vis-à-vis du phénomène terroriste. Mais un Etat moderne qui s’oriente vers le développement doit se donner les moyens d’anticiper. C’est la mission du Conseil national de sécurité que le chefs de l’Etat préside personnellement.
A la suite du putsch manqué de septembre dernier au Burkina Faso la justice militaire de ce pays vient de lancer un mandat d’arrêt international contre le numéro 2 de la Côte d’Ivoire, le président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro. Quelle est votre réaction ?
Nos deux pays ont des relations anciennes, pas seulement au niveau politique, mais au niveau des communautés. Le Burkina et la Côte d’Ivoire ont beaucoup de choses en partage. Je peux dire que notre avenir est intimement lié à l’avenir du Burkina. Il y a eu de nombreuses initiatives, un programme important de coopération est en cours depuis quelques années qui a connu une impulsion particulière sous le président Alassane Ouattara. Nous trouverons toujours des solutions pour régler nos différends, s’il y a des différends je voudrais vous dire que nous trouverons des solutions.
Dans l’entourage de Guillaume Soro on parle d’un geste inamical...
Je ne me permettrais pas de faire un commentaire sur les propos du président de l’Assemblée nationale.
Autre mandat d’arrêt : celui lancé toujours par la justice burkinabè contre l’ancien président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, qui est réfugié dans votre pays. Alors qu’est-ce que vous allez faire ?
Là aussi, je vous donnerai la même réponse. Le président Compaoré a contribué à des initiatives importantes de paix au niveau de la sous-région, y compris la gestion du dossier ivoirien pendant dix ans. C’est quelqu’un qui est bien connu de l’ensemble des chefs d’Etat de la sous-région et du monde. Une question pareille se règle dans des cadres appropriés et je crois que le président de la République et ses homologues de la sous-région ont pris en main cette question-là.
Le mandat d’arrêt contre Blaise Compaoré c’est sur une toute autre affaire. Comme vous savez, c’est l’assassinat de Thomas Sankara en 1987. Est-ce que la Côte d’Ivoire pourra aider le Burkina Faso à faire la lumière sur ce tragique événement ?
Je voudrais dire que la Côte d’Ivoire et le Burkina trouveront toujours des solutions à toutes les questions qui se présentent à eux.