C’était jeudi dernier, un an jour pour jour après la tuerie de Charlie Hebdo, au ministère de la Culture, à Paris. Fleur Pellerin, la ministre qui a aussi en charge la communication, y organisait un hommage aux victimes des attentats de janvier et à la liberté de la presse. « La France, le ministère, a-t-elle dit, sont très préoccupés par la situation qui existait déjà en Hongrie et qui s’installe en Pologne ». C’est un « socle de valeurs communes, dit-elle, qui est remis en cause ». Diable. Quelle est donc cette valeur qui apparaît ainsi bafouée ? Ni plus ni moins que la liberté d’expression en Pologne selon elle.
C’est que la loi votée ce même jour à Varsovie, à l’initiative du président Andrzej Duda, prévoit un contrôle des médias publics par le gouvernement conservateur, à l’image de ce qu’a entrepris Victor Orban en Hongrie. Ce texte qualifié de loi sur les « ressources humaines », comme l’appelle avec ironie l’opposition, vise à déboulonner les dirigeants en ne renouvelant pas les mandats des membres des directions et des conseils de surveillance des télés et des radios publiques.
Pour le parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS), Il est justifié comme en Hongrie, par l’hostilité systématique que les moyens audiovisuels publics manifesteraient vis-à-vis du gouvernement. Mais pour ses détracteurs, c’est ni plus ni moins qu’un moyen de réaliser une purge dans l’audiovisuel public. Une nouvelle loi serait d’ailleurs en préparation, selon les médias polonais, qui prévoirait une résiliation du contrat de travail de tous les employés avant une éventuelle réembauche en fonction de l’utilité des postes. Un peu comme ce qui avait été décidé en Grèce avec l’arrêt de l’ERT mais sans aller jusqu’à l’interruption des programmes.
Alors qu’un débat d’orientation doit avoir lieu sur cette question le 13 janvier au niveau de l’exécutif européen et que la France juge cette position sur les médias « pas compatible avec les valeurs de l’Union », il est peu probable pourtant qu’on aille jusqu’à une procédure qui suspende les droits de vote de ce pays. Cela est réservé à des cas graves de violation des valeurs de l’UE. Et après tout, vouloir que le pouvoir plutôt que l’instance de régulation nomme les dirigeants de l’audiovisuel public, c’est ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy il y a sept ans. Seulement voilà, vouloir que tous les médias publics ainsi que l’agence de presse PAP deviennent des moyens d’Etat, cela rappelle le de Gaulle de l’ORTF. C’est-à-dire un audiovisuel avant mai 1968, qui avait valu au pouvoir cette affiche : « la police vous parle tous les soirs à 20 heures ».