La couverture média des attentats terroristes

Nous parlons avec Amaury de Rochegonde, de l’hebdomadaire Stratégies, de la couverture des attentats par les médias audiovisuels depuis le 13 novembre 2015.

C’est une couverture marquée par la « prudence », selon une porte-parole du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Le sociologue Jean-Marie Charon parle lui d’« une tonalité générale beaucoup plus réfléchie et distanciée », comme si les 21 mises en demeure du CSA, contre les télés et radios, après les attentats de janvier, avaient servi de leçon. Un peu le même phénomène que pendant la guerre d’Irak lorsque les journalistes avaient essayé de ne pas répéter les erreurs de la guerre du Golfe.

C’est vrai qu’on a évité quelques dérapages majeurs. TF1 n’a pas diffusé tout de suite pendant le match la nouvelle de l’attentat au Stade de France et ne l’a annoncé que dix minutes avant la fin, ce qui a permis d’éviter la panique. Ensuite, il n’y a pas eu d’images de nature à mettre encore plus en danger la vie des personnes piégées au Bataclan. I-Télé a même expliqué avoir cessé le direct plus d’une minute pour ne pas effrayer les familles. De même, BFM TV comme I-Télé se sont abstenues de donner le nom du premier kamikaze identifié car des perquisitions étaient encore en cours.

A la différence de l’Hyper Casher comme de la traque des frères Kouachi, les événements du 13 novembre se sont déroulés plutôt loin des caméras. Dans la vidéo d’un journaliste du Monde, comme dans celle d’un vidéaste de St-Denis, le plus terrible, c’est sans doute le son, avec ses cris et ses détonations. La question des images ne vient qu’après, lorsque les journalistes arrivent avec les secours et que l’on voit, comme sur France 2, les corps dénudés des blessés. Sur ce point, le CSA est clair : si la personne n’est pas reconnaissable, elle peut être montrée. L’instance n’incrimine d’ailleurs pas M6 lorsqu’elle diffuse des images tournées avec des pompiers où l’on découvre des cadavres devant le restaurant La Belle Equipe. La chaîne avait pris soin de flouter les visages.

Alors, on trouvera forcément des dérives. Un groupe de travail de quinze personnes planchent au CSA sur les enregistrements. On a pu entendre sur BFM TV par exemple, un scoop de Dominique Rizet à l’aube, mercredi 18 novembre, sur le fait que c’était Abdelhamid Abbaoud qui était visé par l’action en cours de la police à St-Denis. Mais la chaîne a aussi diffusé ce même matin les propos d’une habitante de Saint-Denis disant que la mosquée recrutait « intensément », faisant un lien entre les fidèles musulmans de la ville et les terroristes. Sans doute les aléas du direct. Un autre témoignage de BFM est plus heureux : c’est celui de Danielle, qui a appelé à fraterniser avec cinq millions de musulmans. Il a rencontré un énorme buzz.

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