Renault-Nissan et l’Etat

C'est un nouveau bras de fer qui s'engage entre Carlos Ghosn et l'État français actionnaire à près de 20 % de Renault. Le PDG souhaite redonner du poids à Nissan au sein de l'alliance Renault-Nissan, l'État freine des quatre fers.

Diminuer la part de Renault dans le capital de Nissan et augmenter la part de Nissan dans le capital de Renault : un montage pour contrer l'État actionnaire qui cherche à peser sur l'équilibre de l'alliance. Telles seraient les grandes manœuvres de Carlos Ghosn à en croire les syndicats de Renault qui s'inquiètent de voir Nissan prendre de plus en plus de poids dans l'alliance.

Certes, Nissan doit beaucoup à Renault. En 1999, en grande difficulté, le constructeur japonais avait été secouru par la marque au losange qui avait investi près de 5 milliards d'euros pour entrer à près de 40 % au capital de Nissan. Dès lors, s'est établi une alliance entre les deux entreprises, avec pour particularité d'avoir le même PDG. Renault gardant une position dominante.

Mais depuis les choses ont changé et Nissan va mieux au point de peser plus lourd que Renault. Aujourd'hui, le japonais rapporte l'essentiel des bénéfices. Il n'est donc pas illégitime qu'il veuille peser plus lourd au sein de l'alliance. Pour ce faire, Nissan souhaite récupérer les droits de vote dont il est privé depuis qu'il a accepté la prise de pouvoir de Renault. Il est de plus en plus difficile de continuer à imposer que le plus petit gère le plus gros.

Faut-il pour autant modifier les accords financiers entre Renault et Nissan ?

Nissan est actionnaire à hauteur de 15 %, juste derrière l'Etat français et ses 19 %. Le japonais a toujours eu en tête de reprendre la main sur son groupe. Si Nissan parvient à faire jouer ses votes sur Renault, Carlos Ghosn en tant que PDG de Nissan aurait autant de poids que l'État français dans le conseil d'administration de Renault. Une hypothèse dont l'État ne veut pas. C'est pourquoi il est passé en force.

En avril dernier, alors que Nissan aurait du récupérer ses droits de vote, L'État a acheté des actions Renault. En augmentant sa participation au capital de 5 %, il a du même coup doublé ses droits de vote comme l'autorise la loi Florange qui favorise l'actionnariat de long terme. Bloqué, Nissan s'est retrouvé devant le fait accompli... Bien que l'État se soit engagé à revendre les actions rapidement acquises, ce procédé interroge sur le rôle de l'État qui se conduit en actionnaire et non pas en acteur bienveillant.

Des actionnaires de plus en plus mécontents.

Quel signal envoie l’État en achetant des actions quand ça l'arrange et en les revendant ensuite pour empêcher Nissan de jouer son rôle ? Le bras de fer engagé par l'État peut s'avérer dangereux. Si le japonais se fâche et décide demain de faire voler l'alliance en éclats et de ne garder que quelques coopérations techniques, Renault se retrouvera en difficulté.

De plus, les actionnaires de Renault bénéficiant des contributions financières de Nissan en termes de dividendes seraient eux aussi pénalisés. Si tel était le cas, l'attitude de l'État français s'avèrerait contre-productive. Et puis, il faut aussi penser à préparer l'après-Carlos Ghosn, il est donc important d'avoir une alliance équilibrée. C'est tout l'objet de la bataille qui se livre actuellement en coulisse.

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