Suspense avant la réunion de la Réserve fédérale

Pour la première fois depuis presque dix ans, la Réserve fédérale, la banque centrale des Etats-Unis envisage de relever ses taux d'intérêt. Sa décision sera connue jeudi et cet évènement met toute la planète finance en état d'alerte

Vous avez d'un côté ceux qui comme le FMI crient au loup, ils pensent que les pays émergents seront victimes de ce resserrement monétaire ; et à l'inverse, les gouverneurs des banques centrales de quelques-uns de ces grands pays émergents comme l'Indonésie, le Pérou, le Mexique ou encore l'Inde qui se disent au contraire favorables à une hausse des taux. Pour en finir avec l'incertitude. Repousser sans cesse cette décision fatidique entretient le doute, c'est encore plus néfaste pour leurs finances qu'un réel coup de pouce sur les taux.

Il est vrai que la hausse des taux américains fera des vagues bien au-delà des océans : si les placements sont mieux rémunérés aux États-Unis, les investisseurs vont se détourner des émergents, les laissant à court de ressources pour financer leur développement. La hausse du billet vert qui suivra la décision de la Fed va aussi poser de sérieux problèmes à tous ceux qui doivent rembourser des dettes libellées en dollar. En fait nul ne sait estimer avec certitude les conséquences de la décision de la Fed.

Face à tant d'interrogations, la Fed peut-elle repousser sa décision ?

C'est une option possible. Mais elle doit être prudente. Maintenant que l'économie américaine a retrouvé son élan, il y a de la croissance, des emplois, il est temps de resserrer la vanne du crédit, sinon on pourrait voir de nouvelles bulles financières se former avec ce crédit bon marché qui inonde le pays depuis sept ans. Cela fait des années que la Fed chercher à sortir de la politique de l'argent facile qu'elle a elle-même créé pour sortir le pays de l'ornière en 2008 et ce n'est pas gagné.

Au printemps 2013 quand Ben Bernanke, l’ancien patron de la Fed, a annoncé ses intentions, il a semé le chaos dans les pays émergents. Par crainte de la contagion, cette manoeuvre - ô combien délicate - a été rapidement remise à plus tard. Depuis la crise une douzaine de banques centrales ont essayé de relever leurs taux pour revenir à des politiques plus conventionnelles, et elles ont toutes rétropédalé face aux dégâts provoqués.

Comment sortir de cette impasse ?

Une question sans réponse toute faite. Ce sera un chemin long et chaotique. Pour mémoire, après la crise de 1929, il aura fallu attendre 1948, presque vingt ans, pour voir les taux américains repasser au-dessus de la barre des 1 %. Depuis 2008 la politique monétaire s'est en partie substituée à la politique économique. Les banques centrales en inondant les marchés ont permis à des agents pas toujours solvables de s'endetter sans souci. C'est le cas d'un certain nombre de pays émergents, c'est le cas des étudiants aux États-Unis ou d'entreprises en Europe. Mais cette politique accommodante n'a pas non plus dégagé toute la croissance espérée, car un chef d'entreprise décide surtout d'investir s'il estime qu'il y a de la demande et pas seulement parce que les taux sont bas.

L'économie mondiale, gavée au taux zéro n’est pas vraiment remise, revenir à des taux plus en rapport avec l'économie réelle sera un travail de longue haleine aux États-Unis comme dans les autres pays où l'on a introduit cette politique tout à fait inédite de l'assouplissement monétaire.

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