Mali: «L’occupation de territoires par la force est inacceptable»

Dans le nord du Mali, deux mois après la signature d'un accord de paix et une semaine après la reprise des combats, les ex-rebelles de la CMA (Coordination des mouvements de l'Azawad) et les milices pro-Bamako sont toujours en conflit. Le cas de la ville d’Anéfis, conquise il y a une semaine par les groupes loyalistes, est notamment au cœur de ce différend. C’est dans ce contexte que le Comité de suivi de l’accord de paix s’est malgré tout réuni lundi 24 août 2015 à Bamako. La rencontre doit durer jusqu'à mardi soir. Parmi les participants : Cheaka Touré. Il est le représentant au Mali de la Cédéao, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest. A ce titre, il fait partie de la médiation internationale et du Comité de suivi de l’accord de paix.

RFI : Les ex-rebelles de la CMA ont décidé de suspendre leur participation au Comité de suivi. Que vous ont-ils dit, exactement ?

Cheaka Touré : Ils maintiennent leur présence dans la dynamique de paix, mais ils pensent qu’il y a une situation inacceptable. Ils ont tout à fait raison sur ce point pour lequel il faut d’abord trouver une solution. Pour ce faire, ils pensent que l’on devrait logiquement obtenir que les Mouvements qui ont créé cette situation puissent cesser. Ils pensent également qu’il faudrait que les gens puissent se retirer des endroits qui apparaissent aujourd’hui comme occupés, car les personnes n’y étaient pas avant.

Je crois que cette position joint, globalement, la position de la communauté internationale qui souhaite que l’on observe les positions initiales, au 20 juin, c'est-à-dire avant la reprise des combats. Nous sommes donc tout à fait d’accord.

Ainsi, ils estiment qu’il y a eu des prisonniers qui ont été capturés lors de ces évènements et qui devraient faire l’objet d’une relaxe. Il y a également d’autres situations similaires qui n’ont pas été totalement réglées comme le cas de Menaka auquel ils ont fait allusion.

Il fallait donc régler peut-être tout cela. En tout état de cause, ils souhaiteraient qu’une session spéciale du Comité de suivi puisse être consacrée à régler un ensemble de problèmes liés aux questions de sécurité sur le terrain et à la libre circulation de biens et de personnes.

Le Comité de suivi a consacré un débat général sur la question de la crise à Anéfis et sur la mise en place d’un Comité Ad-hoc pour essayer de rencontrer directement des parties concernées et discuter surtout des solutions qui permettraient au moins de débloquer la situation.

Ce que vous demandez donc, c’est que la ville d’Anéfis – qui a été conquise par les groupes loyalistes de la plateforme, aux dépens des ex-rebelles de la CMA – soit libérée. Qui pourrait venir la sécuriser ?

Je pense que si l’on respecte les termes de l’accord, on n’a pas besoin de se poser cette question-là parce qu’en signant l’accord, les gens se sont engagés à déposer les armes. Par ailleurs, ils se sont aussi engagés à ne pas faire des armes un outil de transactions relationnelles. Si les termes de l’accord étaient respectés, chacun retournerait à sa position initiale en se gardant bien d’user des armes comme moyen de négociation ou encore comme moyen de signifier sa présence.

Ceci dit, tout en étant d’accord qu’il faut la libre circulation des personnes et des biens, nous reconnaissons que dans la phase intérimaire, il y a tout un dispositif qui est prévu, au niveau de l’accord, pour rétablir d’abord la confiance et permettre aux uns et aux autres de se mouvoir sans beaucoup de difficultés. Tant que nous n’aurons pas fait cela, je pense qu’il est plutôt recommandé d’observer le cessez-le-feu ainsi que le gel des positions et je pense alors qu'à ce moment-là, personne ne sera menacé par personne et les populations n’en souffriront pas.

Un retour aux positions initiales, tel que le demande la communauté internationale, implique un retour des ex-rebelles de la CMA à Anéfis. Or, la plateforme se dit prête à envisager de quitter Anéfis, à condition que ce soient les Forces internationales de la Minusma ou l’armée malienne qui entrent dans la ville. Est-ce que c’est quelque chose d’envisageable ?

Je pense que le Comité Ad-hoc – qui va être mis en place – devra discuter de ces détails parce que c’est une nouvelle situation qui est créée. Il faudrait voir comment la traiter et je crois d’ailleurs que c’est par sagesse que le Comité vient de décider de lui consacrer un ensemble de discussions parallèles sur des solutions acceptables par les deux parties. Ceci étant, nous ne voulons pas préjuger de ce qui pourrait être accepté par les uns ou par les autres, mais il est évident que, pour nous, l’occupation de territoires par l’usage de la force n’est pas acceptable. Sur ce point, nous ne transigeons pas.

En dépit de ce problème de la ville d’Anéfis, le Comité de suivi a donc décidé de poursuivre ses travaux. Concrètement, sur le fond, quels sont les thèmes qui sont à l’ordre du jour ?

Je donnerais l’exemple du sous-comité Défense et Sécurité qui, en suivant précisément les propositions de l’accord pour ce qui est de la période intérimaire, a déjà en vue la mise en place du CTS (Comité technique de suivi) qui concerne la sécurité mais aussi les équipes mixtes. Celles-ci pourraient s’assurer que les accords sont respectés et que le mouvement des personnes peut se faire sans que les armes en constituent, si vous voulez, l’élément déterminant. Je crois qu’ils ont fait des propositions concrètes que nous allons examiner. D’ici demain (mardi 25 août), je pense qu’on devrait pouvoir prendre toutes ces décisions-là.
 

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