Grèce: Alexis Tsipras démissionne «pour mieux revenir»

Alexis Tsipras a annoncé jeudi soir qu’il quittait ses fonctions de Premier ministre grec. De nouvelles élections seront donc convoquées le 20 septembre normalement. Confronté à la fronde de l’aile gauche de son parti, Tsipras s’est retrouvé en minorité et n’a donc plus eu les coudées franches pour gouverner. Cette aile gauche a décidé, d’ailleurs, de créer un parti indépendant. Entretien avec Michel Sivignon, géographe et spécialiste de la Grèce.

RFI : Cette décision d’Alexis Tsipras de renoncer au pouvoir, comment peut-on l’interpréter ? Est-ce que c’est partir pour mieux revenir ?

Michel Sivignon : Oui, c’est partir pour mieux revenir, du moins dans son esprit à lui. C'est-à-dire qu’Alexis Tsipras se trouve dans une situation difficile de son point de vue à lui. D’un côté, à travers cette espèce de feuilleton, les Grecs avaient eu l’impression que les choses étaient réglées, que désormais l’accord avec l’Europe avait été trouvé et que par conséquent maintenant on allait passer à des applications, en quelque sorte à des détails de procédure. La preuve, c’est que les premiers versements ont été effectués, ce qui a permis à la Grèce de se dégager par rapport à une dette qu’elle avait. Mais voilà que, comme un coup de tonnerre, apparait la démission de Tsipras qui s’explique, en tout cas d’une manière basique, par sa difficulté avec son propre parti, Syriza.

C’est toute la difficulté, en effet. Syriza a énormément de dissensions en son sein. L’aile gauche a décidé de créer un parti indépendant. Comment peut-on l’interpréter ?

L’aile gauche existait déjà sous le titre de « plateforme de gauche », c’était son appellation ordinaire et elle comportait un certain nombre de poids lourds de Syriza. On a vu progressivement s’enfler l’opposition à Tsipras et se consolider cette minorité qui représente, en termes de députés élus à l’Assemblée, à peu près le tiers du total. Donc Tsipras se trouve à l’heure actuelle dans la situation suivante : il a une majorité, il l’a obtenue à divers scrutins, et en particulier quand il a fallu faire approuver l’accord avec l’Union européenne. Mais il l’a obtenue avec seulement les deux tiers des voix de son propre parti.

S’il est arrivé très largement au-delà de la majorité absolue, c’est avec l’appui, d’une part, de petits partis du centre comme celui qui s’appelle To Potami, « le fleuve », qui est composé d’Européens convaincus, issus pour la plupart du parti socialiste Pasok, et puis, d’autre part, du Pasok et de la Nouvelle démocratie qui étaient ses ennemis jurés. Autrement dit, il a considéré qu’il ne pouvait pas, sur le long terme, continuer sa politique avec une sorte de gouvernement bancal où il n’aurait pas l’appui de la totalité, loin s’en faut, de son propre parti et l’appui de gens qui lui sont hostiles de manière fondamentale et ancienne.

Mais Alexis Tsipras peut-il retrouver une majorité absolue ?

Bien entendu, s’il a démissionné et s’il préconise la tenue d’élections législatives anticipées, c’est qu’il y compte. Sur quoi se fonde-t-il ? Sur les résultats du référendum, un « non » au référendum, qui a été suivi 60 % des gens. C’est une espèce de refus de la pauvreté et du sort que lui réserve l’Europe. Il est sûr que la majorité qu’il a obtenue à ce moment-là est une majorité en faveur de sa personne. Les Grecs considèrent qu’il s’est bien battu, qu’il est honnête, qu’il a fait tout ce qu’il a pu et qu’il ne faut surtout pas changer de cavalier quand on est au milieu du gué. Et par conséquent, ils lui ont accordé leur crédit.

Mais ce crédit est accordé non pas par ceux qui sont de sa mouvance, ou du moins il n’est pas sûr qu’il soit véritablement majoritaire chez eux, mais par des gens qui se sont opposés à lui et auquel il s’est opposé pendant des années préalablement. Par conséquent, il lui faut rassembler sur son nom bien au-delà des gens de Syriza. Il ne s’agit pas de faire basculer Syriza, je pense qu’il n’y pense pas. Mais qui sont les 60 %, ça c’est la question. Qui sont les 60 % du référendum ? Il y a un socle relativement solide de pro-Européens qui sont environ 40 %. Il en reste encore 20 %. Qui sont-ils  ?

Quel rôle peut jouer Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des Finances ?

Je ne sais pas quel va être le choix qu’il va faire par rapport à ce nouveau parti, on peut penser qu’il va le rejoindre. Varoufakis a échoué dans son entreprise européenne dans la mesure où il a concentré sur lui beaucoup d’animosité, moins d’ailleurs par les positions qu’il a tenues que par une forme d’arrogance qui apparaissait comme complètement déplacée. Qu’il considère qu’il ait un avenir politique et que cet avenir politique passe par les nouvelles élections, c’est probable. On va voir.

Partager :