Avant tout, il faut cesser d’employer des termes comme « rejeter, bloquer, retoquer, invalider »... Car, non, Bruxelles ne peut pas s’immiscer dans le budget de la France qui est souveraine, ce sont les députés français qui ont le dernier mot. Bruxelles ne dispose d’aucun outil juridique pour intervenir dans les affaires d’un Etat membre. En revanche, Bruxelles a tout à fait le droit de donner un avis et de demander à Paris de modifier son texte, et Paris a parfaitement le droit de lui dire non !
Dans les faits, il est évident que les échanges ne seront pas aussi frontaux mais on sait que les discussions vont bon train en coulisses. Et les dirigeants français ne peuvent pas s’exonérer des remarques de leurs partenaires européens qui s’inquiètent du dérapage des comptes publics de la France.
Force est de reconnaître que le projet de loi de finances de la France, présenté le 1er octobre dernier, est totalement en dehors des clous ! Non seulement Paris ne ramènera pas son déficit public à 3% en 2015 comme elle s’y était engagée, mais en plus les réformes annoncées tardent à venir. Alors oui, la coupe commence à être pleine, d’autant qu’il n’est pas question pour Bruxelles d’accorder un régime de faveur à Paris.
La France a promis 21 milliards d’euros d’économies sur le budget 2015
Insuffisant et pas totalement crédible pour Bruxelles, qui voudrait que la France sorte rapidement de l’impasse budgétaire. Et les allégations du ministre des Finances Michel Sapin irritent. La détérioration de la conjoncture économique, la faible inflation et la panne de croissance ne suffisent pas à amadouer les membres de la Commission et surtout le partenaire allemand, alors Michel Sapin temporise. Il assure que les députés qui examinent actuellement le budget à l'Assemblée nationale vont déposer des amendements en vue d'améliorer le texte.
Bruxelles a quand même des leviers pour agir
Depuis 2011, Bruxelles peut officiellement rendre un avis. La Commission dispose de 15 jours pour faire parvenir ses remarques à la France. Elle pourrait lui demander de revoir son texte, comme elle l’a déjà fait pour d’autres pays.
Au-delà du rappel à l’ordre, la France pourrait écoper d’une sanction financière. La Commission européenne pourrait transmettre le dossier au Conseil européen qui, après plusieurs consultations, pourrait lui infliger une amende de plus de 4 milliards d’euros.
Mais personne n’a intérêt à une crise avec Paris, la France est la deuxième économie de la zone euro et une sanction de la France est inenvisageable. Et infliger une amende à Paris, c’est faire le lit des eurosceptiques. Les tensions entre Bruxelles et Paris risquent donc de se solder par une bataille entre technocrates, qui finiront par trouver une porte de sortie afin que chacun garde la tête haute.
Paris doit montrer sa bonne volonté
En coulisses, les tractations s’opèrent, Paris espère le soutien de Berlin, d’autant qu’actuellement l’Allemagne accuse une perte de vitesse de sa croissance. Il est probable que la chancelière Angela Merkel demande des contreparties, comme par exemple un calendrier précis des réformes.
Le message semble être passé. Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a présenté ce mercredi une partie de son projet de loi pour l’activité, alors qu’il n’est pas encore finalisé. L’objectif est clair : donner des garanties aux partenaires européens sur ses engagements de réformes structurelles, comme le souhaitent également les agences de notation.