L'Allemagne est incontestablement le meilleur élève de la classe euro. Mais à quoi sert la vertu budgétaire quand ça va moins bien ? C'est la question que posent de plus en plus ouvertement les patrons allemands. Ils sont chagrins, selon l'indice PMI qui mesure l'optimisme dans l'industrie. D'après les chiffres publiés ce matin, l'indice est encore supérieur à 50 en Allemagne, ce qui veut dire que les patrons gardent le moral. Mais il a reculé ce mois-ci à son plus bas niveau depuis onze mois.
Pourquoi ces patrons sont-ils inquiets ? Evidemment parce que l'activité ralentit. Le 0,2 % de croissance au second trimestre annoncé à la mi-août a été confirmé ce matin et c'est une prestation passable pour la première puissance économique européenne. Les commandes, qu'elles viennent de l'intérieur comme de l'extérieur, régressent, du coup l'industrie supprime des emplois, les chefs d'entreprise n'envisagent pas d'amélioration à moyen terme.
L'Allemagne paierait-elle le prix des sanctions contre la Russie ?
La conjoncture internationale, les sanctions contre la Russie, mais aussi la guerre en Irak, ont effectivement freiné l'activité, mais il ne faut pas exagérer ce facteur. Après tout, la Russie représente seulement 3 % des exportations allemandes. Ce qui rend les patrons nerveux, c'est plutôt le cap fixé par la chancelière. Avec des caisses bien remplies, un chômage assez bas, le gouvernement est en train de se reposer sur ses lauriers selon eux. Leur message : l'auto-satisfaction, ça commence à bien faire.
Pour le chef du patronat allemand, la bonne situation actuelle doit beaucoup aux réformes Schröder. Mais aujourd'hui, estime-t-il, il faut agir pour préparer les dix prochaines années. Il est urgent, selon Markus Kerber, de passer de la consommation publique à l'investissement public. Mettre à niveau les routes, les gares, tout ce qui facilite le flux des marchandises est une priorité fixée par les milieux économiques depuis belle lurette, mais au lendemain de sa réélection, la chancelière a préféré limiter la relance par l'investissement, histoire de préserver les finances publiques.
Ces critiques rejoignent-elles celles de Christine Lagarde, la directrice du FMI ou celle de Mario Draghi, le patron de la BCE ?
Elles n'ont pas les mêmes motivations. Mais les solutions demandées se ressemblent. Dans une Europe sur la pente de la déflation, il faut absolument enrayer l'érosion des prix en donnant un coup de pouce à la consommation. En augmentant les salaires comme a suggéré récemment Christine Lagarde à Angela Merkel, et en favorisant la dépense publique comme a osé le dire Mario Draghi lors du grand raout des banquiers centraux la semaine dernière à Jackson Hole. Et la hausse de l'investissement public est exactement ce que réclament les chefs d'entreprise allemands. Mais la gardienne de l'orthodoxie budgétaire n'en fait qu'à sa tête. Elle aurait même téléphoné à Mario Draghi pour lui demander des explications.