Une grande partie du dynamisme économique de la Thaïlande repose sur la main-d'œuvre étrangère. Dans un pays où le marché de l'emploi est tendu, avec 1 % de chômeurs, l'immigration est devenue vitale. Aujourd'hui 7 % des actifs sont des étrangers, déclarés ou non. C'est l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra qui a ouvert les portes aux étrangers il y a une douzaine d'années. La junte arrivée au pouvoir pour chasser sa soeur cadette Yingluck, pour effacer l'héritage de toute la famille Shinawatra, a joué un jeu très politique en faisant savoir que les sans-papiers seraient dorénavant chassés sans ménagement.
Un jeu dangereux quand l'économie se dégrade. La croissance a été négative au premier trimestre, sur l’ensemble de l’année elle devrait être divisée par deux par rapport à 2013. Les militaires ont donc rapidement rectifié le tir en expliquant qu'ils avaient été mal compris. Peine perdue. Plus de 220 000 Cambodgiens ont déjà regagné leur pays et l'hémorragie continue.
Avec des conséquences déjà sensibles dans le secteur de l'hévéa
L’hévéa c’est une des richesses nationales qui abonde les recettes d’exportation. La production de caoutchouc a chuté de 30 % faute d'employés dans les usines situées dans l'est du pays où les travailleurs cambodgiens sont nombreux. Le bâtiment où un salarié sur 2 est un étranger, déclaré ou non, va le payer le cher. Autre secteur affecté par ce discours anti immigré : l’industrie de la crevette. Car avec la mise à l'index des travailleurs clandestins, le monde a découvert avec stupeur que les crevettes thaïlandaises que l'on consomme en quantité en Occident, car elles sont bon marché sont en fait nourries avec du plancton récolté par des esclaves. Un phénomène dénoncé depuis des mois par des ONG qui a soudainement fait la une des médias après l'enquête publiée par le Guardian, le quotidien britannique.
Une sanction pourrait tomber dans les prochains jours
La Thaïlande se bat aujourd’hui pour ne pas être rétrogradée aux États-Unis dans le classement des États luttant contre le trafic des êtres humains. Les autorités font tout pour échapper à la relégation dans la catégorie du groupe trois (elle est aujourd'hui dans le groupe deux). Si la sanction tombe, la Thaïlande perdra de multiples facilités accordées par les États-Unis aux pays menant une lutte efficace. Le lobby de la crevette clame à qui veut l’entendre qu’il respecte les standards sociaux.
Il lui faudra de toute façon tenir compte de la polémique et mieux rémunérer ses sous traitants, au risque de perdre en compétitivité sur un marché hyper concurrentiel qu’il domine à un prix contestable sur le plan des droits humains. Plus globalement, la Thaïlande doit mieux réguler son immigration dont elle ne peut se passer. La création de zones économiques spéciales aux frontières où les immigrés déclarés seraient les bienvenus est à l’étude. Une façon de remplacer les procédures complexes de demandes de permis de travail ; reste à savoir si les droits sociaux seront mieux respectés dans ses enclaves.