« Il semble bien que le gouvernement hongrois ait l’intention de prendre à la gorge la liberté de la presse ». Ce n’est pas l’opposition au Premier ministre conservateur Viktor Orban qui dit cela. C’est au contraire le quotidien habituellement le plus favorable au pouvoir, le Magyar Nemzet. Ce journal s’est rallié à ce qui s’apparente à une sorte de fronde des médias contre une super taxe, de 40%, sur leurs revenus publicitaires. Le gouvernement Orban justifie cette ponction fiscale par une nécessaire contribution des entreprises aux recettes de l’Etat, comme on a pu le voir dans les télécoms, l’énergie ou les banques. Mais pour les dizaines de radios, télés et sites Internet qui ont cessé d’émettre provisoirement jeudi en signe de protestation, c’est une nouvelle manifestation d’une mainmise du pouvoir sur les médias. La chaîne RTL Klub, qui devrait rapporter la moitié de la collecte de cette taxe, serait particulièrement touchée. Cette filiale du groupe allemand RTL Group, qui est restée assez critique vis-à-vis de Viktor Orban, pourrait alors être incitée à se retirer de Hongrie. Le Fidesz, le Parti populiste au pouvoir, triompherait alors en faisant partir des médias étrangers.
A vrai dire, ce n’est pas la première fois que le gouvernement cherche à mettre au pas, depuis son arrivée au pouvoir en 2010, les journalistes et les médias. Même si la Commission européenne a obtenu des concessions sur les sites internet et la protection des sources, les médias hongrois sont soumis à des lois contraignantes. Ils doivent s’enregistrer auprès de l’Etat et s’engager à produire des sujets « équilibrés ». Un conseil des médias avec des membres issus du Fidesz est chargé de sanctionner les atteintes à ces lois. Quant à la Cour constitutionnelle hongroise, elle a émis fin mai un jugement rendant responsable les éditeurs de sites internet des commentaires publiés.
Pour les médias privés hostiles au pouvoir, il y avait déjà eu des moyens de pression comme l’exclusion des contrats de publicité d’Etat. Mais c’est surtout dans les médias publics, soumis à l’autorité du gouvernement, que la mainmise se fait le plus sentir. Phrases écrites sous la dictée, émissions politiques orientées, démissions forcée des contestataires… De plus en plus, les médias sont instrumentalisés en faveur d’Orban. Selon l’AFP, de nouveaux sites d’information sont une « bouffée d’oxygène ». C’est le cas d’Origo, d’Index ou d’HVG, site qui a obtenu l’an dernier la démission du chef de l’Etat Pal Schmitt, après avoir révélé qu’il avait plagié sa thèse de doctorat.