Annick Girardin, secrétaire d’Etat française au Développement

« Cette loi d’orientation et de programmation, c’est un engagement du président François Hollande qui a souhaité qu'au XXIe siècle, enfin, la France se dote d’un outil, d'une loi qui encadre sa politique d’aide au développement et à la solidarité internationale. C’est quelque chose qui a été pensé depuis déjà deux ans par mon prédécesseur Pascal Canfin. Cette loi insiste énormément sur l’efficacité et la transparence. Et je crois que quand on traverse des moments difficiles comme la France aujourd’hui, il est important aussi d’avoir mis ces deux termes en avant. »

« La France n’a pas à rougir de son aide au développement », affirme la nouvelle secrétaire d’Etat au Développement et à la Francophonie, Annick Girardin. Pourtant, l’an dernier, l’aide publique française a diminué de 10%. Qu’est ce qui donne autant d’assurance à celle qui succède à Pascal Canfin et à Yamina Benguigui ? L’ancienne députée de Saint-Pierre-et-Miquelon répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Tous les ans les députés et les sénateurs votent le budget de l’aide publique au développement, mais cette année vous leur demandez de voter une loi d’orientation et de programmation, pourquoi ?

Annick Girardin : C’est un engagement du président François Hollande qui a souhaité qu’au XXIe siècle, enfin, la France se dote d’un outil de loi qui encadre sa politique d’aide au développement et à la solidarité internationale. C’est quelque chose qui a été pensé depuis déjà deux ans par mon prédécesseur Pascal Canfin. Cette loi insiste énormément sur l’efficacité et la transparence et quand on traverse des moments difficiles comme la France le traverse aujourd’hui, il est important aussi d’avoir mis ces deux termes en avant : efficacité et transparence.

RFI : L’aide au développement, c’est souvent une usine à gaz. On dit que quand les députés et les sénateurs votent le budget annuel, ils ne savent pas très bien d’où vient l’argent et où il part ?

C’est une des critiques faites par les sénateurs. Ils ont de grosses critiques sur l’évaluation et donc cette loi y répond en obligeant les opérateurs, les partenaires à une plus grande transparence avec des critères de sélection des différents projets. On le doit aux Français qui aujourd’hui ont le droit de savoir à quoi sont utilisés les fonds publics.

Pour le Front national, il y a des temps de crise où la solidarité internationale est superflue… Qu’est-ce que vous en pensez ?

A travers cette loi, la France réaffirme que malgré les difficultés et alors que certains sont favorables à un repli sur soi, nous n’oublions pas qu’il y a des populations plus vulnérables encore qui ont besoin de notre soutien. Les Français l’ont rappelé : ils veulent effectivement savoir à quoi sert l’argent public. Ils ont aussi indiqué combien ils tenaient à la solidarité française.

Pour eux, c’est une façon de dire « je suis de gauche » ?

Pour moi, c’est une façon de dire « je suis de gauche ». Je suis radicale de gauche. Je fais partie de ce gouvernement avec beaucoup de fierté et cette loi montre combien les Français sont toujours aussi solidaires des peuples les plus démunis.

Pour les ONG en revanche, votre projet de loi, c’est de la belle littérature mais ça masque la réalité qui est que le budget de l’aide française est en baisse (- 10% l’an dernier). La France tourne un peu plus le dos à ses engagements internationaux, dit Oxfam…

Moi ce que j’ai envie de dire, c’est que la France n’a pas à rougir de son effort. On est à 0,41 %, c’est-à-dire qu’on est largement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE [l'Organisation de coopération et de développement économiques] avec 0,29 % du PIB. Donc le budget du développement comme tous les budgets français va connaître une baisse. C’est pour cela qu’à côté, on a mis en place cette loi, qu’on recherche des financements innovants, on y travaille. Transparence, économie et efficacité, c’est ce que l’on va mettre en place.

On donnera moins mais on donnera mieux ?

On donnera sans doute moins, et on donnera pour des actions mieux sélectionnées, mieux évaluées et en partenariat.

Ça veut dire qu’avant c’était mal évalué ?

Ça veut dire qu’il n’y avait pas de contraintes d’évaluation, donc certains projets ont été évalués, d’autres non. Il n’y avait pas d’obligation d’évaluation. Aujourd’hui, il y en a.

Vous pouvez nous donner un exemple ?

Tout simplement, on va savoir aujourd’hui quand on aide des établissements scolaires, combien d’enfants vont à l’école, combien de filles, combien de garçons, combien de personnes ont accès à l’eau… On n’avait pas toutes ces données.

Dans ce projet de loi, il est prévu que les banques africaines puissent commercialiser des produits financiers en France pour faciliter les transferts d’argent entre le Nord et le Sud. Qu’est-ce qui va se passer ?

Concrètement, par exemple, un Marocain vivant en France pourra épargner dans une banque de son pays en vivant en France, c’est-à-dire qu’il peut investir dans des produits financiers proposés par des banques de pays en développement qui se seront installées effectivement en France.

Vous rentrez du Mali où vous avez accompagné le Premier ministre jusqu’à Tombouctou. Mais après Tombouctou, Moussa Mara a continué sa route jusqu’à Kidal et on connaît la suite : au moins 50 morts. Du coup, est-ce que les effets de votre visite ne sont pas complètement annulés ?

Non, la France a condamné fermement les évènements de Kidal et il faut, en ce qui me concerne et en ce qui concerne mon ministère, poursuivre le travail qui est l’aide au développement du Mali.

Concrètement l’an dernier à Bruxelles, l’Union européenne a promis 3,2 milliards d’euros pour la reconstruction du Mali. Quelle somme a déjà été versée ?

On a les deux tiers aujourd’hui de cette somme qui ont été engagés, mais plus particulièrement pour la France qui avait fait une promesse de 280 millions, aujourd’hui 200 millions ont été engagés. J’ai pu voir sur le terrain un certain nombre de réalisations, auprès d’agriculteurs notamment. J’ai visité des rizières et on voit bien là combien l’aide de la France a permis des emplois, des revenus, et a permis à tout un village de vivre.

La présidence malienne vient d’acheter un Boeing 737 pour près de 30 millions d’euros. Est-ce que c’était vraiment indispensable ?

Je n’ignore pas ce dossier. C’est un sujet que j’ai abordé avec le président de la République, mais c’est un sujet que le FMI [Fonds monétaire international] a abordé également. Le FMI a demandé un certain nombre d’explications. C’est entre le FMI aujourd’hui et le gouvernement malien d’apporter les différentes réponses. Moi je n’ai pas de commentaires complémentaires à faire là-dessus.

Oui, mais le FMI n’est pas content et la France est un membre important du conseil d’administration du FMI. Quelle est votre position ?

Selon les résultats de ces questions posées, peut-être d’une enquête du FMI, comme tous les membres du FMI, nous regarderons ce qu’on devra faire selon les réponses apportées par le gouvernement malien.

Vous voulez dire que l’achat de ce Boeing n’était peut-être pas une priorité ?

Ce n’est pas à moi de juger si c’est une priorité ou pas. C’est le choix politique malien, c’est une décision interne. S’il s’avérait que dans les réponses, soit elles n’étaient pas satisfaisantes, soit elles étaient jugées par le FMI anormales, on devra effectivement, la France comme l’ensemble des pays, prendre des décisions.

 ► Ne manquez pas Afrique Midi, ce mercredi, à 12H30 TU, 14H30 heure de Paris. La secrétaire d'Etat française au Développement et à la francophonie s'exprimera sur un sujet de plus en plus sensible : la succession d'Abdou Diouf à la tête de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).

 

 

 

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