C'est en fait trois affaires distinctes de cyber-espionnage que dénonce la justice américaine, en décrivant à chaque fois si précisément les entreprises chinoises à qui profitent le crime qu'elles sont facilement identifiables. Les Etats-Unis franchissent donc un nouveau palier dans leur offensive en pointant du doigt les bénéficiaires. Et ils ne sont pas des moindres. Il y a d'abord la SNPTC, société créée il y a dix ans pour gérer l'acquisition à l'étranger des technologies nucléaires. Elle est accusée ici de transfert de technologie. Baosteel, deuxième sidérurgiste chinois, est également ciblé, et enfin Chinalco, numéro un chinois de l'aluminium. Avec les informations glanées illicitement via la toile, Baosteel aurait réglé à sa façon un litige avec ses partenaires américains contre lesquels les Chinois ont d'ailleurs demandé des taxes punitives, affaire qui est aujourd'hui devant l'OMC. Quant à Chinalco, il aurait profité de son rapprochement avec l'Américain Alcoa pour lui voler des infos alors que le duo était censé s'unir pour empêcher l'OPA contre l'Australien Rio Tinto.
Le message : « Les Chinois nous espionnent »
Avec ces trois cas d'écoles, transfert de technologies, guerre commerciale et grandes manoeuvres stratégiques dans le secteur minier, on constate l'ampleur du cyber-espionnage pratiqué par les Chinois : c'est le message que les Américains veulent servir au monde entier. En réalité l'espionnage industriel a toujours existé, dans tous les pays. Il n'est pas propre à la Chine. Il a simplement pris une ampleur inédite avec internet. Si les Américains donnent de la voix, c'est aussi parce qu'ils cherchent à couvrir le bruit provoqué par leurs propres activités cyber-criminelles. Grâce au gisement d'informations mises à disposition par Edward Snowden, le New York Times et Der Spiegel révèlent en début d'année que Huawei, le champion chinois des télécoms, spécialiste des infrastructures, a été espionné par la NSA. D'ailleurs, le rôle joué par la Chine dans l'affaire Snowden intrigue les Américains. Le lanceur d'alerte a d'abord été accueilli à Hong Kong, un territoire dans le giron de Pékin.
Les grandes manoeuvres américaines
Ces poursuites américaines sont aussi un contre-feu au scandale des écoutes de la NSA. C'est évidemment une grande opération de communication, déployée comme une arme dans la nouvelle guerre froide que livre les Américains dans le cyber-espace. Cet avertissement lancé pour endiguer l'expansionnisme économique de Pékin, c'est un peu une forme de dissuasion. En ciblant des entreprises, Washington enjoint son grand rival de ne pas aller trop loin. Mais la lutte contre la cyber-criminalité est aussi une vraie priorité de la Maison blanche, qu'elle a été contrainte de mettre sous le coude à cause de l'affaire Snowden et qu'elle entend aujourd'hui ranimer.