Le made in Bangladesh a encore de beaux jours devant lui. À l'exception de Walt Disney, aucun grand donneur d'ordre occidental ne s'est retiré du pays suite à la tragédie. Le carnet de commandes a même continué à se remplir. En un an les exportations textiles du Bangladesh ont augmenté de près de 10%. Valeur totale : 23 milliards de dollars pour l'année 2013. Pourtant quelque chose a bel et bien changé dans les usines où sont fabriqués les vêtements vendus en occident. Ces ateliers précaires, vétustes sont désormais inspectés en bonne et due forme par les donneurs d'ordres, une association dominée par les Européens, baptisée l'Accord, et par une organisation concurrente majoritairement américaine qu'on appelle l'Alliance. Bien sûr cela prend du temps. Pour le moment le quart seulement des 4 000 usines a été contrôlé. Bien sûr, il y a des polémiques. L'association européenne est saluée par les uns parce qu'elle a déjà fermé 8 sites et décriée par les autres parce qu'elle a mis des centaines de travailleurs sur le carreau ; l'association américaine elle est jugée plus rapide dans l'action mais bien trop laxiste. Mais ces contrôles généralisés et réguliers qui se mettent en place constituent bien une amélioration des conditions de travail pour les 4 millions de salariés du secteur.
Les donneurs d'ordres ont donc préféré renoncer à une partie de leurs profits pour rester sur place
Si le Bangladesh conserve leurs faveurs, c'est parce que ses prix restent les plus bas au monde. En sourçant leur production au Bangladesh, les grandes marques occidentales sont un peu arrivées à la croisée des chemins. Soient elles investissent sur place pour tirer le meilleur parti de la compétitivité des Bangladais. Soit elles vont chercher ailleurs des coûts encore plus compétitifs. Et ce n'est pas gagné de trouver un pays bien relié aux grandes voies commerciales, avec un personnel formé. Cette fuite en avant vers le meilleur profit et son corolaire le moins-disant social et sanitaire est même en train de se heurter au mur grandissant des revendications des petites mains du low cost, comme on le voit en Chine.
En ce moment, les ouvriers de la chaussure sont en grève pour exiger une meilleure couverture sociale dans la province du Guangdong
Cette province située au sud de la Chine a été un des bassins de la sous-traitance mondiale. Mais les salaires ont augmenté tellement vite ces dernières années que les dirigeants des usines locales délaissent la fabrication des produits basiques pour s'orienter vers des objets à plus forte valeur ajoutée. Les marques Adidas, Nike ou encore Puma qui s'approvisionnent auprès du groupe Yue Yuen aujourd'hui paralysée par cette grève savent que les jours du low cost sont désormais comptés dans cette province, comme à moyenne échéance dans l'ensemble de la Chine. L'horizon du low cost est en train de se rétrécir, il est loin d'être bouché. Des donneurs d'ordres moins exposés à la pression médiatique exercée par les ONG sont prêts à prendre la relève. C'est ce qui se passe au Bangladesh où une usine fermée après inspection a rouvert pour le compte d'une marque japonaise.