Une fois encore, le patron de la BCE a privilégié le verbe à l'action. La baisse des taux, l'arme classique à la disposition d'une banque centrale en cas de déflation, reste pour le moment rangé au placard des accessoires. Car à la BCE, on ne croit pas au scénario de la déflation. En mars, les prix ont augmenté en moyenne de 0,5% dans l'union monétaire, c'est bien peu, trop peu. En dessous de 1% d'inflation, on entre dans la zone de tous les dangers. Or cela fait six mois que les prix oscillent dans ce territoire inconnu. Dans certains pays, comme l'Espagne, les prix ont même commencé à reculer. Et quand les prix se replient, les consommateurs reportent leurs achats, ce qui finit par bloquer l'activité des entreprises. Rien de pire pour l'Europe où la croissance est déjà anémique.
La BCE reconnaît que la tendance est baissière mais elle refuse de paniquer. Car pour se déterminer, elle regarde l'évolution à moyen terme, et dans ses prévisions, les prix vont recommencer à augmenter cette année, en moyenne de 1%, c'est-à-dire qu'on sortira dans les mois qui viennent de la zone rouge. Si la BCE a préféré laisser son taux directeur inchangé, c'est aussi parce qu'il est extrêmement bas, à 0,25%. L'abaisser de un dixième de point pour encourager les consommateurs à recourir au crédit, donc à dépenser, n'aurait pas eu beaucoup d'impact sur cette déflation rampante.
Mario Draghi a évoqué, en cas de besoin, le recours à des moyens non conventionnels
C'est toute la panoplie de l'assouplissement monétaire, selon des modalités qui restent à définir. Quand on fait une politique accommodante, comme la Réserve fédérale l'a fait après la crise de 2008, et continue dans une moindre mesure, en inondant les marchés de capitaux, cela ravive l'inflation et tue dans l'oeuf la menace déflationiste. Cela signifie faire marcher la planche à billets. La BCE démontre qu'elle est capable d'évoluer si nécessaire, qu'elle n'est pas enfermée dans un dogme. Avec ces paroles, Mario Draghi a une nouvelle fois réussi à calmer la nervosité des investisseurs.
Qu'est-ce qui permet à la BCE d'affirmer que le danger de la déflation s'éloigne ?
Ce sont ces prévisions de croissance. On voit bien qu'un peu partout en Europe, l'activité redémarre, y compris en France. Et la croissance génère naturellement la hausse des prix. C'est ce qui est à l'oeuvre en Espagne, un pays où les prix ont vraiment commencé à refluer. Pour regagner de la compétitivité, Madrid avait comprimé les salaires, et augmenté la TVA pour faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat, les ménages ont donc moins consommé, les prix se sont ajustés par le bas. Mais le retour de la croissance est en train de raviver la demande plus vite que prévu. C'est pourquoi même la Banque centrale espagnole pense qu'il y a une chance sur 4 seulement pour que la déflation s'installe. Mais si c'est le cas, seule la BCE pourra agir car l'Etat espagnol, mis au régime pour lutter contre les déficits, n'a plus les moyens de stimuler l'économie.