A la Une : Blé Goudé à la CPI

L’ex-leader des Jeunes patriotes, farouche soutien de Laurent Gbagbo, a donc été transféré au quartier pénitentiaire de la Cour pénale internationale de La Haye aux Pays-Bas. Pour la presse ivoirienne proche du pouvoir, rien de plus logique : « Charles Blé Goudé ne pouvait pas se soustraire de son rôle de bourreau, estime Le Patriote, dans le massacre de plus de 3 000 morts dans l’histoire récente de la Côte d’Ivoire. Lui qui a été formellement inculpé au lendemain de la crise post-électorale après de minutieuses enquêtes de la CPI pour quatre chefs d’accusations, à savoir crimes contre l’humanité, meurtre, viol, persécution et autres actes inhumains, commis entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, va devoir passer le reste de sa vie, sinon une part essentielle, à la CPI. »

Pour L’Intelligent, autre quotidien abidjanais, plutôt proche du pouvoir, l’action menée par la CPI est salutaire : « en Côte d’Ivoire, on a beau être fâché, on a beau avoir envie de lutter contre l’injustice, ou pour la souveraineté, on a beau avoir envie de se soustraire à la démocratie, on doit se souvenir que Laurent Gbagbo et Blé Goudé sont à La Haye, que Simone Gbagbo est réclamée, et que même des pro-Ouattara sont dans le collimateur de cette justice. Voilà un bon médicament pour rendre les adeptes de la violence et de l’imposture relativement sages. Puisque quelle que soient sa force et son rang du moment, chacun et chacune paieront pour les graves exactions commises. » Et L’Intelligent de conclure : « l’option courageuse et salutaire de lutte contre l’impunité et du meilleur gendarme actuel pour la sécurité et la paix que représente la CPI, est une manière de mettre définitivement notre pays à l’abri des crises et des violences politiques […]»

Pour sa part, Le Nouveau Courrier, quotidien d’opposition, dénonce ce qu’il appelle « le jeu trouble de la CPI » qui « traque les proches du président Laurent Gbagbo et qui blanchit les criminels de guerre notoirement admis », proches de l’actuel pouvoir. Le Nouveau Courrier qui affirme également que « les quatre chefs de crimes contre l’humanité retenus contre Blé Goudé restent à démontrer par la procureure Bensouda et son Bureau, actuellement incapables, estime le journal, de prouver les faits allégués contre Gbagbo. »

Epée de Damoclès…

Beaucoup de commentaires également dans la presse de la sous-région sur ce transfèrement de Charles Blé Goudé à la Haye.
Pour Le Pays, au Burkina, Blé Goudé « devra faire face à son passé, lui qui s’est illustré négativement au cours de la crise ivoirienne. En effet, acteur majeur de cette crise, il est notamment considéré comme un terrible agitateur qui, par sa capacité à manier le verbe, aura aiguisé des antagonismes, suscité haine et extrémismes, fragilisé le tissu social. » Mais attention, lance également Le Pays, « le camp au pouvoir n’est pas blanc comme neige dans les violences enregistrées à travers la Côte d’Ivoire. Du reste, des rapports des Nations unies et de certains mouvements des droits de l’Homme sur des cas d’exactions sont assez éloquents à ce sujet. […] C’est dire que selon toute logique, l’épée de Damoclès tenue par Fatou Bensouda plane et planera peut-être encore longtemps sur d’autres têtes. Des responsables du camp ADO pourraient de ce fait, tôt ou tard, voir des mandats d’arrêt délivrés contre eux. »

« Que dire de ces pro-ADO pointés du doigt par les organisations internationales des droits de l’homme pour avoir fait parler l’arme lourde ? », renchérit L’Observateur Paalga. « Tous sont aussi suspects de crimes de guerre. Mais aujourd’hui du côté des vainqueurs, ils roulent, en toute impunité, carrosse à Abidjan. Tant que le président ivoirien ne sacrifiera pas un de ses protégés, l’on ne cessera de décrier cette justice à deux vitesses, des plus flagrantes, et qui est loin de plaider pour une réconciliation nationale. C’est vrai que le procureur de la CPI, la Gambienne Fatou Bensouda, avait assuré 'ce n’est pas la fin de notre travail en Côte d’Ivoire', mais jusque-là, en tout cas, et pour ce qui concerne la Côte d’Ivoire, l’on a l’impression d’assister à une (in)justice de vainqueurs. »

Enfin ce point de vue du site d’information Fasozine : « en transférant Charles Blé Goudé à la CPI, comme lui-même le demandait, la justice et le pouvoir ivoiriens perdent certainement en souveraineté, mais gagnent en sérénité. Le pays s’évite la pression quasi quotidienne des partisans de l’ex-régime qui font feu de tout bois comme on a pu le voir dans la publication de présumées photos de maltraitance du prisonnier Blé Goudé. Et puis, il vaut peut-être mieux, estime encore Fasozine, que l’ancien 'Général de la rue' partage le même territoire que son mentor Gbagbo qui, depuis qu’il est envoyé à la CPI, ne se plaint plus de 'mauvais traitements'. A quelque chose, malheur est peut-être bon ! »

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