La dette publique de l'Allemagne commencera à diminuer à partir de l’année prochaine. Une performance obtenue avec aisance, en grande partie grâce à la bonne santé retrouvée de l’économie allemande. Avec des entreprises exportatrices florissantes, un chômage faible, l'Etat n'a pas de mal à alimenter ses caisses. C’est l'aspect rutilant de l’orthodoxie budgétaire allemande, celui qui autorise Berlin à donner des leçons aux restes de l’Europe. Ce qu’on voit moins, vu de loin, c’est le prix de l’austérité imposée du sommet à la base de la République fédérale. S'il y a beaucoup de nouveaux pauvres allemands, contraints de multiplier les petits boulots pour joindre les deux bouts, c’est aussi parce que les aides sociales auparavant abondamment fournies par les communes ont quasiment disparu. Endettées jusqu’au cou pour des investissements réalisés dans les années fastes, les villes allemandes sont aujourd’hui à l’eau et au pain sec. Seuls les malades et les handicapés bénéficient aujourd'hui de leur soutien.
L’investissement public en panne
Ces collectivités, qui assurent 60% de l’investissement public en Allemagne, ne peuvent même plus assumer la maintenance des infrastructures existantes. Les routes défoncées, les lignes de chemin de fer obsolètes, les places introuvables en crèche, les piscines et les théâtres qui ferment, sont le lot commun d'un nombre grandissant des cités allemandes. La première économie de l'union est aussi celle où l’investissement public est le plus faible, de l’ordre de 2% du produit intérieur brut (PIB), moins bien que l'Espagne par exemple. Et pourtant ce déficit des collectivités n’apparait pas dans les comptes nationaux.
Le frein à l’endettement inscrit dans la Constitution
Parce qu’il existe des mécanismes de solidarité au sein de la fédération, les Länder les plus riches financent les déficits des plus pauvres, c’est, par exemple, la Bavière qui efface l’ardoise chronique de Berlin. Quant aux communes, elles finissent toujours par être renflouées par l’Etat fédéral ou par les régions. La santé financière des communes allemandes est un peu à l’image de celles des banques, ça ne va pas fort, mais l’Etat fédéral est assez argenté pour colmater les brèches et assez incitatif pour contraindre les collectivités à un strict régime minceur. C'est le frein à l'endettement inscrit dans la Constitution en 2009. Pour toutes les collectivités, l'objectif est d'éliminer l'endettement structurel à l’horizon 2016. Ce désengagement public pourrait peser sur la bonne santé économique de l’Allemagne.
Un effet boomerang néfaste pour l’économie comme pour la démographie
À court terme, rien de grave disent les pères Fouettard, une piscine au lieu de trois suffit largement au bonheur des familles. Et puis avec le déclin démographique, la diminution du nombre des infrastructures est tout à fait supportable. En revanche à moyen terme, c’est un vrai boomerang. Si rien n'est fait, la médiocrité du réseau électrique, des routes et des écoles pourrait coûter un point de croissance à l'Allemagne d'ici 4 ans (ce sont les estimations de l'institut allemand de recherche économique basé à Berlin). L'autre dommage collatéral de ce sous-investissement, c'est un cadre de vie dégradé pas très sexy pour séduire les travailleurs étrangers dont l'Allemagne a tant besoin. Cette année, la crise des pays du sud a soutenu l'émigration, explique Sylvain Broyer, analyste spécialiste de l’Allemagne de Natixis. A l’avenir, il faudra trouver des arguments positifs pour attirer les ingénieurs. C'est-à-dire des crèches, des écoles, des transports, tout ce qui facilite la vie des actifs, voire qui leur donnent envie de quitter leur pays pour autre chose qu'un travail et un bon salaire. C’est le grand défi qu’aura à relever Mutti, « la maman », c'est comme ça que les Allemands nomment affectueusement la chancelière. La maman, après l'élection, devra s'occuper un peu de la maison !