Get Lucky : retenez ce titre, ce sera le tube planétaire de l’été. C'est la prévision indiscutable de l'application Shazam qui permet d'identifier des musiques écoutées sur le smartphone. Cette chanson techno en anglais, est une œuvre française du groupe Daft Punk. C'est un pur produit de la « French touch », pardonnez cette concession à l'anglais, mais c'est comme ça qu'on nomme partout dans le monde un courant musical porté par des musiciens français et qui est un véritable succès à l'export.
On est en droit de se demander en quoi Daft Punk incarne la création française puisque le duo de Parisiens chante en anglais, vit en Californie, et il est produit par la filiale américaine du japonais Sony. Et pourtant Daft Punk est bien le nec le plus ultra de la création française techno qui cartonne depuis plus de dix ans à l'étranger. La Sacem, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, s'en réjouit. Grâce à la « French touch », quelle vitalité pour les exportations du répertoire français, s'exclame t-elle dans son rapport d'activité pour l'année 2012 !
Quel rapport entre Daft Punk et l'exception culturelle française âprement défendue par nos gouvernants ?
En défendant l'exception culturelle, la France cherche à protéger sa production nationale, avec un quota de films français à la télévision, et un quota de chanson française à la radio. Elle redoute par dessus tout le rouleau compresseur américain qui pourrait circuler comme sur un boulevard en Europe avec l'accord de libre échange.
Mais le phénomène Daft Punk révèle que ce n'est plus forcément sur ces canaux historiques, radio et télévision, et dans notre langue, que la création française explose. Il nous apprend aussi que musique française ne rime plus avec chanson engagée, que d'autres genres existent où l'esprit français, la créativité française, font pourtant entendre leur différence. La façon dont les œuvres se diffusent aujourd'hui et irriguent l'ensemble de la planète n'est pas prise en compte par la politique culturelle française.
Défendre l'exception culturelle c'est aussi défendre une création de qualité
Défendre la qualité était le premier objectif de la politique culturelle française et il est louable, puisque sur un marché francophone beaucoup plus restreint que le marché anglophone, on a raison de craindre que les héros de Walt Disney n'écrasent par exemple notre Kirikou national. Mais au nom de la qualité, ce n'est pas toujours le meilleur que l'on défend en France.
Un exemple dans le cinéma : tous les films hexagonaux bénéficient d'aides publiques, que ce soit des grosses machines commerciales comme Astérix ou des films d'auteur comme La Vie d'Adèle, qui vient de recevoir la Palme au Festival de Cannes. Il y a donc urgence à redéfinir ce qu'on entend par un bien ou un service relevant de l'exception culturelle. Avec ou sans l'accord de libre échange, Daft Punk nous invite à en redéfinir les contours.