Qui profite des sanctions contre l’Iran?

Les Iraniens se rendent demain vendredi aux urnes pour le premier tour de l'élection présidentielle. Le rétablissement de l'économie a été un thème récurrent de la campagne. Les sanctions ont affaibli le pays, mais elles ont aussi enrichi une petite frange de la société.

Ce qui se voit surtout, c'est l'appauvrissement de l'Iran provoqué par les sanctions. Le revenu du pétrole, principal pourvoyeur de devises, a été divisé par deux. Idem pour la production automobile. C'était pourtant un des fleurons de cette économie émergente. Il y a deux ans l'Iran fabriquait plus de voitures que l'Italie. L'inflation, estimée officieusement à 85 %, est un casse-tête dans la vie quotidienne des citoyens de la République islamique. 

Pourtant, le pays continue à tourner, des fortunes, souvent souterraines, se sont même bâties sur le contournement des sanctions. Les principaux bénéficiaires sont les Gardiens de la Révolution. Sous la présidence d'Ahmadinejad, qui est issu de leurs rangs, ils ont considérablement accru leur main mise sur l'économie, constate l’économiste Khavand Fereydoun, enseignant à l’université Paris V. Ils contrôleraient 30% de la richesse nationale. Plusieurs de ces ministres sont d'anciens généraux des Pasdaran, dont le très puissant ministre du Pétrole. Le groupe qui représente leurs intérêts - Khatam Al Anbiya - est d'ailleurs de plus en plus présent dans le secteur des hydrocarbures. Il s'est vu octroyer récemment l'exploitation de deux champs gaziers.

L’enrichissement des Gardiens de la Révolution dénoncé par les Etats-Unis
 

Cette montée en puissance des Gardiens de la Révolution est régulièrement épinglée par les Etats-Unis. Dès 2010, la compagnie pétrolière nationale, la Nioc, a été mise sur une liste noire par les autorités américaines en raison de ses liens occultes avec les Gardiens de la Révolution.

En avril dernier, les Américains ont ajouté à cette liste des sociétés écran basées à Dubaï, en Malaisie ou en Turquie, toutes étant soupçonnées de masquer les activités de Khatam Al Anbiya. Ce groupe protéiforme est présent aussi bien dans les hydrocarbures que dans la pharmacie, le tourisme ou la construction. Pour faciliter le commerce, les Gardiens de la Révolution ont leurs propres structures indépendantes dans les aéroports, comme dans certains ports, pour importer ou exporter, à la barbe des douaniers.

Le maintien des sanctions, dans l’intérêt de ces nouveaux riches ?

A première vue, les Gardiens de la Révolution n'ont donc pas intérêt à ce que le régime des sanctions disparaisse. Les sanctions les ont enrichis, renforcés. Cela dit, l'économie est aujourd'hui dans une telle impasse que cela devient ingérable politiquement de continuer dans cette voie, selon Khavand Fereydoun. D’après lui, il n’y a guère d’alternatives : le retour à la table des négociations après l'élection est une option pour redresser l'économie, l'autre, c'est la fuite en avant.

Des révélations, faites mercredi 12 juin à Paris, donnent du crédit à cette riposte jusqu'au-boutiste. D'après un représentant de l'Aile verte, un mouvement réformateur, la banque centrale iranienne envisage un sauvetage à la chypriote au lendemain du scrutin : tous les comptes bancaires seraient taxés à hauteur de 20% et les banques passeraient sous le contrôle des Gardiens de la Révolution. Une information qui n'a pas pu être vérifiée pour le moment.

 

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