A près de 93 dollars la livre vendredi dernier, les cours du coton n’avait pas été aussi hauts depuis près d’un an. Car le marché mondial manque de fibre alors qu’on est encore à six mois de la prochaine récolte dans l’hémisphère nord. Les fabricants de fil de coton, en Turquie et au Bangladesh, n’ont plus de réserve.
Un véritable paradoxe alors que les stocks mondiaux de fibre blanche n’ont jamais été aussi élevés. Le problème, c’est que 54% de ces stocks sont inaccessibles parce qu’ils sont immobilisés en Chine. Ce pays, non seulement subventionne ses producteurs de coton, majoritairement situés dans la région autonomiste du Xinjiang, pour des raisons politiques, mais Pékin constitue comme jamais des réserves stratégiques pour être à l’abri d’un choc tel que celui de 2011, où la livre de coton s’était envolée à 2,27 dollars.
Cette ascension des cours, suivie d’un brutal effondrement, avait traumatisé tout le marché. Les acheteurs se contentaient depuis d’acquérir du coton au fur et à mesure des besoins pour ne pas prendre de risque de fortes fluctuations sur de grosses quantités de fibre.
Mais c’est fini, par peur de manquer à nouveau, tout le monde achète du coton en ce moment, y compris celui qui n’a pas encore été semé. Car la Chine, pour l’instant, ne semble pas se satisfaire de ses énormes réserves nationales, elle continue d’importer massivement du coton. Elle devrait même délivrer de nouveaux quotas à ses importateurs à partir du mois prochain.
Pourtant, les immenses réserves chinoises restent une menace pour les prix : si Pékin venait à libérer ses stocks de coton chinois, cette fibre serait plus économique que le coton étranger pour les filateurs du pays, en perte de compétitivité par rapport à leurs concurrents asiatiques, étant donné le coût supérieur de la main-d’œuvre en Chine. La filature chinoise cesserait donc d’acheter de la fibre sur le marché mondial, voire revendrait ses contrats, et le prix mondial du coton pourrait s’effondrer à nouveau.