Les Etats-Unis continuent de fournir la planète entière en soja. Ils sont bien sûr le premier exportateur mondial, mais les achats auraient dû se calmer considérablement depuis le début de l'année, avec l'imminence de la récolte sud-américaine. Mais la canicule sévit en Argentine, le soja est soumis à très rude épreuve. Et au Brésil, ce sont au contraire des pluies diluviennes qui paralysent les transports routiers : le soja produit dans le Mato Grosso n'arrive pas à rejoindre la côte. 135 cargos étrangers feraient la queue dans les cinq grands ports brésiliens en attente de leur chargement de graines, de tourteaux ou d'huile.
Or, la demande mondiale de soja ne faiblit pas, bien au contraire. La Chine, qui n'importait pas une graine oléagineuse il y a encore dix ans, en achète de plus en plus. Cette année encore, ses importations de soja ont augmenté de 11%. Direction principale : les élevages de porcs. Dans l'impossibilité d'être livrés à temps par le Brésil, puisque le délai est de deux mois, la Chine et les autres importateurs se tournent en urgence vers les Etats-Unis, où les voies ferrées et le fleuve Mississipi permettent une livraison deux fois plus rapide que le Brésil.
Le problème, c'est que les Etats-Unis n'ont presque plus une graine de soja à exporter. Avec six mois d'avance, ils ont atteint les quantités exportées l'an dernier. Les élevages aux Etats-Unis, les producteurs d'huile, ont été eux aussi très gourmands en trituration de soja cette année. Or la récolte américaine a été plus que médiocre, on le sait, après la sécheresse historique dans le Midwest, l'été dernier. Du coup, les réserves américaines atteignent un seuil critique. En volume elles sont au plus bas depuis 2004 ; mais en pourcentage par rapport à la demande mondiale, et c'est cela qui fixe les prix mondiaux, les stocks américains sont au plus bas niveau depuis 1965.
C'est pourquoi les cours du soja ont repris l'ascenseur depuis le début de l'année (+5%, de moins de 14 dollars à près de 15 dollars le boisseau), alors qu'ils avaient baissé depuis l'automne en prévision d'une large récolte sud-américaine. Mais une récolte même infinie, si elle ne peut rejoindre le marché mondial, n'a pas les moyens, pour l'instant, de soulager le bilan des Etats-Unis.