L'Iran souffrait déjà d'un manque de devises, du fait de l'embargo européen sur son pétrole, depuis le 1er juillet. Il était de plus en plus difficile aux importateurs iraniens de matières premières de régler leur facture, y compris leur facture d'acier. Désormais, ils ne pourront même plus en acquérir une billette en Europe. Seul l'acier européen acheté avant le 15 octobre dernier pourra rejoindre les ports iraniens. Or l'acier, c'est la colonne vertébrale d'une économie, le matériau indispensable à toute construction, toute infrastructure, sans compter l'usage dans l'industrie automobile ou l'électroménager.
L'Iran produit bien de l'acier, grâce à ses gisements de fer, et de l'acier en quantité croissante : environ 13 millions de tonnes l'an dernier ; mais pas assez en volume, puisqu'il doit en importer presque autant ; pas assez en qualité non plus, d'où les besoins en acier européen, pour certains ouvrages. Les conséquences sur l'industrie iranienne sont déjà tangibles : le prix de certaines pièces d'acier aurait doublé depuis deux semaines ; les maîtres d'oeuvre, jusqu'aux plus puissants, renoncent à certains projets de logements ou d'usines.
Le régime de Téhéran, déjà affaibli financièrement par le manque à gagner dans le pétrole, doit maintenant financer le développement accéléré de la production nationale d'acier. Le gouvernement affiche des objectifs très ambitieux : l'autosuffisance de l'Iran dès l'an prochain, et le rang de premier exportateur mondial d'acier d'ici 2016, pas moins. Mais il est déjà peu probable que la douzaine d'aciéries projetées voient le jour, faute de financement. En attendant, Téhéran a interdit toute exportation d'acier iranien, comme il l'a fait de la farine et de la viande rouge.
Pour pouvoir fabriquer davantage d'acier sur son sol, l'Iran multiplie les achats de charbon à coke auprès de l'Ukraine, depuis que l'Australie s'est détourné de son client, bien que le charbon ne soit pas visé par les sanctions. Les achats d'acier turc ont également un bel avenir en Iran, et le troc bat son plein : les négociants coréens vendent de l'acier contre du pétrole ; et l'entreprise indienne Mittal Energy, en grande partie aux mains du géant de l'acier Lakshmi Mittal, vient aussi d'acheter deux cargaisons de pétrole iranien...