L'âge-pivot à 64 ans continue d'être une ligne rouge pour le premier syndicat de France. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, l'a rappelé sur France 2 dimanche soir. Pour lui, c'est une mesure « injuste » et « inutile ». Mais pour ne pas sembler s'engager dans les concertations sans propositions nouvelles. Il a sorti de son chapeau l'idée d'une conférence de financement des retraites. « On convoque une conférence de financement des retraites qui jusqu'à fin juillet, fin septembre travaille à des propositions pour l'équilibre du régime à moyen et long terme. On renvoie ça à une conférence et on se concentre sur le système universel des retraites pour le rendre le plus juste et le plus lisible possible », a-t-il proposé.
Le lendemain matin, invité à réagir sur France Inter à la proposition de Laurent Berger, le ministre de l'économie Bruno Le Maire a rejeté le retrait de l'âge pivot comme préalable à cette conférence : « Ne mettons pas de préalable à une conférence qui doit porter sur le financement des retraites. Parce que notre responsabilité vis-à-vis des générations qui viennent. C'est de leur garantir que ce système de retraite par répartition, par point qui est fondamentalement plus juste que celui qui existe aujourd'hui est bien financé. Donc banco pour cette conférence mais ne préjugeons pas des résultats à l'avance », a-t-il répondu.
En décembre dernier, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, avait déjà proposé de remettre les questions de financement à plus tard. L'idée est alors sèchement écartée par le Premier ministre, soucieux d'assurer la pérennité du système. Un mois et quelques manifestations plus tard, l'idée revient donc par la voix de la CFDT.
Le président du groupe LREM à l'Assemblée nationale, Gilles Le Gendre, a répondu favorablement à Laurent Berger si cette conférence « permet d'avancer » et « de bâtir cet accord politique que nous souhaitons » pour sortir du bras de fer entre gouvernement et syndicats qui dure depuis plus d'un mois.
A Matignon, l'entourage d'Edouard Philippe « note avec intérêt cette proposition », mais rappelle que le financement doit être réglé très vite. De son côté, Emmanuel Macron veut un « compromis rapide » dès cette semaine, il l'a redit hier à ses ministres. Nouveau coup de pression sur son chef de gouvernement. « On ne peut pas faire la réforme contre tout le monde », met en garde un proche d'un ministre influent. « Il va falloir s'en sortir sans qu'aucun camp ne donne le sentiment de se compromettre », prévient déjà un membre du gouvernement.
Si l'état d'esprit au sommet de l'Etat a semble-t-il changé -plus question de claquer la porte à Laurent Berger comme lorsqu'il avait proposé un « Grenelle » pendant la crise des Gilets jaunes-, pour les syndicats les plus engagés dans l'opposition à la réforme comme Force Ouvrière, cette proposition de conférence de financement est inacceptable si elle est utilisée pour faire passer le projet de nouveau régime dans son ensemble.
Reprise des négociations
Cette proposition de conférence sur le financement du système de retraites survient à la veille de concertations prévues au ministère du Travail. Au menu de ces énièmes discussions : l'aménagement des fins de carrière, la prise en compte de la pénibilité ou encore la transition des 42 régimes actuels vers le régime universel que veut créer le gouvernement.
Pour les syndicats les plus radicaux – CGT, Force ouvrière, Solidaire – la position est simple : inutile d'aborder tous ces sujets tant que le projet de réforme sera sur la table. Ces syndicats entendent améliorer le système actuel et refusent l'instauration d'un régime par points. D'autres, les syndicats dits « réformistes » – CFDT, Unsa, CFTC –, sont en revanche ouverts aux compromis. A une condition : la suppression de la notion d'âge pivot. En dessous de cet âge, qui pourrait être fixé à 64 ans, même les salariés ayant dépassé l'âge légal du départ à la retraite et qui auraient suffisament cotisé se verraient infliger une décote.
Une ligne rouge que même les syndicats les plus proches des positions gouvernementales refusent de franchir. L'idée d'une décote temporaire, pour quelques années seulement, a été suggérée par des membres du parti présidentiel. Le gouvernement la reprendra-t-il à son compte lors des négociations ? Réponse attendue dans les jours à venir.
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