Le conseil d'administration s'est ouvert tôt ce lundi matin au siège de Renault à Boulogne-Billancourt. À l'issue de la réunion, le constructeur français a annoncé vouloir étudier « avec intérêt l'opportunité d'un tel rapprochement ». Pour plus de précisisions, il faudra attendre, explique Renault, une communication qui « interviendra le moment venu afin d'informer le marché des résultats de ces discussions ».
L'offre est en tout cas suffisamment importante pour avoir fait bondir les actions des deux groupes. Renault prend plus de 15% à la Bourse de Paris. À peu près autant pour Fiat à la Bourse de Milan.
Cette éventuelle fusion constituerait « une opération brillante, qui [protégereait] les emplois dans notre pays et [conduirait] à la naissance d'un géant européen de l'automobile », selon le ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini. Plus mesurée, la porte-parole du gouvernement français, Sibeth Ndiaye, s'est contentée de déclarer que Paris est « favorable » à ce rapprochement.
La CGT, deuxième syndicat chez Renault, demande à l'État de conserver « une minorité de blocage permettant de faire prévaloir les intérêts français », même si l'opération aboutit. « Si une telle fusion [...] devait se réaliser, ce sont encore les salariés [qui] paieraient de nouvelles suppressions d'emplois », alerte la Confédération générale du travail.
Un futur numéro 1 mondial ?
Cette fusion promet en effet la création d'un géant qui se rapprocherait sérieusement des leaders actuels Volkswagen et Toyota. Mais si l'on ajoute les ventes de Nissan et de Mitsubishi, qui sont déjà alliés à Renault, on obtiendrait le numéro 1 mondial en nombre de véhicules vendus.
Dans le détail, la fusion se ferait via une holding qui serait enregistrée aux Pays-Bas. Renault et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) auraient chacun 50%, soit la moitié de ce nouvel ensemble. Les actionnaires de chaque société recevant une participation équivalente au capital du nouveau groupe.
Dans cette hypothèse, l'État français, premier actionnaire de Renault avec 15% des parts, devrait logiquement détenir 7,5% du nouvel ensemble. Le siège pourrait en être à Amsterdam, où est déjà situé celui de Fiat Chrysler. En Bourse, l'entité serait cotée à Paris, New York et Milan.
Le projet pourrait de toute façon mettre au moins un an avant d'être finalisé, à en croire Mike Manley, administrateur délégué de FCA.
Le but évidemment est de faire des économies, par des synergies, des mises en commun de moyens techniques. De partager des connaissances aussi : Fiat Chrysler est très fort sur les gros véhicules, SUV, camions, utilitaires. Renault plus en avance sur les voitures électriques ou autonomes. Mais Fiat Chrysler, c'est également pour Renault la possibilité d'entrer sur le marché nord-américain, avec les gros véhicules très rentables.
Enfin, une fusion permettrait des investissements. « Parce que dans l’industrie automobile, il faut investir beaucoup d’argent pour la voiture électrique, pour se développer dans d’autres zones géographiques, comme l’Afrique, par exemple, qui sera certainement le marché de demain et d’après-demain. Évidemment, plus vous êtres gros, plus vous êtes puissant, plus vous avez les moyens d’investir », détaille Flavien Neuvy, directeur de l’observatoire Cetelem de l’automobile
Nissan mis sur la touche
Les groupes japonais Nissan et Mitsubishi, membres de l’alliance avec Renault, sont-ils concernés par ces discussions ? Selon une source proche de la compagnie, le japonais n'aurait « pas été impliqué dans ce dossier », et quelques heures après l'officialisation de la proposition faite par FCA à Renault, le constructeur n'avait toujours pas réagi. « Nous sommes toujours ouverts aux discussions constructives pour renforcer l'alliance », s'est contenté de déclarer le patron du groupe, Hiroto Saikawa, face à des journalistes.
Au siège de Yokohama, on s'étonne en coulisses de ne pas avoir eu connaissance des détails du projet, alors que Renault et Nissan sont unis depuis 1999. « Nissan semble avoir été tenu à l'écart, ce qui n'est pas agréable pour le groupe et pourrait créer une méfiance inutile », a commenté pour l'AFP Satoru Takada, analyste du cabinet d'études TIW.
Renault a commencé à s’intéresser à Fiat-Chrysler peu après l’éclatement de l’affaire Carlos Ghosn au Japon. Et, en avril, le constructeur français a vu ses rêves de fusion avec Nissan repoussés.