La fusion entre Alstom et Siemens enterrée par la Commission européenne

C'était annoncé, c'est confirmé. Au nom d'une concurrence équitable pour les entreprises et, en fin de compte, pour les consommateurs, la fusion Alstom-Siemens n'aura pas lieu. La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, s'est prononcée contre la fusion de l'Allemand Siemens et du Français Alstom.

Depuis l’ouverture de son enquête formelle en juillet, la Commission européenne a examiné plus de 800 000 documents, rapporte notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet, et elle en conclut que la fusion entre Alstom et Siemens aurait donné à la nouvelle entreprise des positions dominantes, voire de monopole, sur le marché européen.

C’est le cas par exemple pour le secteur des trains à grande vitesse dans lequel les marchés sont très restreints, avec par exemple un seul appel d’offres en cours en Europe pour un TGV, au Royaume-Uni. Pour la Commission, la nouvelle entité aurait fait disparaître un des deux principaux fabricants de matériel roulant à grande vitesse sans créer de gains d’efficacité.

Le secteur de la signalisation ferroviaire était encore plus problématique, selon la Commission, qui estime qu’avec la fusion entre Alstom et Siemens, il n’y aurait plus eu aucune concurrence sur le marché. Un problème majeur selon elle, au moment où toutes les lignes du continent doivent être équipées selon les nouvelles normes européennes.

Des arguments pas au goût du président du Medef, le principal syndicat patronal français, qui déclarait peu avant l'officialisation de la décision que « savoir si la part de marché des géants européens est trop importante dans l’Europe, c’est ne prendre qu’une seule partie du problème, faut regarder le marché mondial où sont les autres concurrents, quelle taille font les concurrents chinois ou américains ».

La Commission répond dans sa décision qu’Alstom et Siemens sont déjà suffisamment puissants pour résister aux fabricants chinois dont la part de marché est soit inexistante soit négligeable en Europe.

Vers une évolution des règles de concurrence européennes ?

Dans un communiqué, Alstom a pris acte de la décision, que l'entreprise « regrette » et qualifie de « net revers pour l'industrie en Europe ». Même déception du côté de Peter Altmaier, ministre allemand de l'Economie, qui « respecte » la décision, mais estime qu'il est nécessaire de faire changer les règles en vigueur, afin que la situation ne se reproduise pas à l'avenir.

« Nous sommes convaincus que nous devons y réfléchir et décider des changements à apporter aux règles européennes de la concurrence », a-t-il déclaré. Il affirme s'être mis d'accord avec Bruno Le Maire, son homologue français, pour « préparer une initiative commune franco-allemande qui vise à aboutir à un ajustement du droit européen de la concurrence ».

Deux ans de négociation pour un échec sur la ligne d'arrivée

Alstom, amputée de sa branche énergie rachetée par Général Electric en 2014, espérait rebondir en fusionnant avec l'Allemand Siemens pour construire un champion ferroviaire européen. Depuis le printemps 2017, le Français et l'Allemand négociaient pour fusionner leurs activités afin de contrer le géant chinois CRRC.

Pour concrétiser le projet, chaque partie fait des concessions. Siemens apporte son activité signalisation, de son côté Alstom accepte que Siemens prenne le contrôle de cette nouvelle entité. Tout est prévu. Le futur groupe doit entrer à la Bourse de Paris, son siège s'implanter en région parisienne et être dirigé par l'actuel PDG d'Alstom Henri Poupart-Lafarge. Quant à l'Etat français, actionnaire d'Alstom, il ne doit pas siéger au conseil d'administration du nouveau fleuron industriel.

Convaincus de parts et d'autres du Rhin, Emmanuel Macron et Angela Merkel soutiennent le projet, malgré l'opposition de syndicats inquiets pour la préservation des emplois. En vain.

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