Les sous-marins DCNS victimes d'une fuite massive de données sensibles

Le quotidien australien The Australian rapporte que le constructeur naval français DCNS a été victime d’une fuite massive d’informations confidentielles sur ses sous-marins Scorpène. DCNS, détenu à 62% par l’Etat français, a indiqué que les autorités nationales de sécurité enquêtent.

La fuite date de 2011 et concerne plus de 22 000 pages. Ces documents techniques détailleraient les capacités de combat des Scorpène, des sous-marins conçus par DCNS, le constructeur naval français, et vendus à la marine indienne. Les données techniques concerneraient notamment la vitesse du sous-marin, les fréquences utilisées, ou bien encore les systèmes de lance-torpilles.

Selon le quotidien australien The Australian, ces documents auraient été sortis par un ancien officier français de la marine qui travaillait pour un sous-traitant de DCNS. Dans cette affaire qui ressemble à un roman d'espionnage, DCNS aurait laissé entendre que la fuite pourrait venir d’Inde, alors que pour New Delhi, la fuite viendrait de l’étranger, conséquence d’un piratage informatique. Les autorités françaises de sécurité vont mener l'enquête.

Pour le constructeur français, ce vol de documents fait partie de la guerre économique, dans un contexte très concurrentiel. DCNS a remporté cette année face à ces concurrents allemand et japonais un mégacontrat de 34 milliards d’euros pour renouveler la totalité de la flotte australienne. 

Inquiétudes en Inde

Selon une source politique australienne qui connaît bien le secteur de l'armement et qui a répondu aux questions de l'AFP, l'importance des informations révélées pose un problème stratégique pour l'Inde, la Malaisie et le Chili, qui utilisent tous les trois le Scorpène. Le Premier ministre australien Malcolm Turnbull cherche quant à lui à apaiser les esprits, en rappelant l'importance de la cybersécurité et en rappelant que le normes de sécurité dans son pays sont élevées.

D'après Sébastien Farcis, le correspondant de RFI à New Delhi, l'affaire est prise très au sérieux en Inde. Pour Bharat Karnad, spécialiste militaire au centre sur la recherche politique, on n'a jamais vu une fuite d'une telle ampleur . « On a déjà eu des doutes sur la vente d'informations sur certains composants. Mais en telles quantités et aussi détaillées sur les aspects techniques. Avec ces informations, les adversaires n'ont plus rien à faire pour chasser ce sous-marin. On leur donne tout. Cela sera dévastateur pour la France en tant que fournisseur d'armes ».

Cette affaire pourrait compliquer les relations entre DCNS et ses partenaires indiens au moment où le constructeur français négocie la vente de 6 Scorpène supplémentaires. Dassault, qui essaie depuis une dizaine d'années de vendre ses avions Rafale à l'Inde, pourrait également souffrir de cette baisse de crédibilité des firmes françaises. New Delhi a promis d'acheter 36 de ces chasseurs, mais négocie encore sur leur prix.

Partenaire américain

Si cette fuite pourrait bien inquiéter les partenaires indiens de DCNS, elle pourrait aussi susciter des inquiétudes d'un autre partenaire : les Etats-Unis, analyse Sylvie Matelly, directrice adjointe de l'Iris. « Dans le cas des Etats-Unis, c’est qu’ils fournissent un système d’armes à ces sous-marins australiens et donc bien évidemment, ils ne voudraient pas que, par le biais d’un système mal sécurisé chez DCNS, qui est l’autre fournisseur sur ce type d’équipement, des informations soient divulguées sur leur propre système d’armes. Là on est plus sur une question économique, on est sur une question stratégique. »

Mais la chercheuse nuance. Les Américains ont aussi une carte à jouer. « Après, on revient toujours à la question économique et la question de la compétition, il est toujours de bonne guerre pour un partenaire sur ce projet des sous-marins australiens, mais qui dans d’autres domaines peut être concurrent de l’entreprise DCNS, de faire monter un petit peu la mayonnaise pour expliquer "vous auriez dû nous acheter à nous, on a des systèmes de sécurité qui sont beaucoup mieux avertis" ».

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