Les emplois de qualité, source de croissance et de développement

L’Organisation internationale du travail (OIT) a publié, mardi 27 mai, son rapport sur le travail dans le monde. L'accent est mis cette année sur la qualité des emplois. Le rapport s'appuie sur l'étude de 140 pays en développement et nations émergentes, et il montre, pour la première fois, que des emplois de qualité peuvent être source de croissance soutenue dans les pays émergents et dans les pays en développement.

Lutter contre le travail informel : un gage de croissance et de développement

Le constat pourrait sembler étonnant à l'heure où dans les pays développés, l'ultra productivité et la flexibilité du travail sont prônés et identifiés comme source de croissance et d'attractivité. Etonnant de prime abord, et pourtant tellement évident. Qu'est-ce qu’un emploi de qualité ? C'est un emploi formel, déclaré, rémunéré comme tel. Les travailleurs voient de fait leur niveau de vie s'améliorer, ils se sentent en sécurité, consomment davantage, ce qui stimule bien sûr la croissance globale et donc l'économie du pays. L'emploi de qualité, le travail décent, permet de relancer de développement et de réduire les inégalités et la pauvreté. C'est l'un des effets inattendus de la crise : les schémas de pensée classiques ont été bouleversés, y compris dans les pays émergents ou en voie de développement.

Raymond Torres est directeur de recherche à l'Organisation internationale du travail. Il explique que « dans l'approche traditionnelle, il s'agissait de libéraliser les exportations, développer les échanges internationaux avec les pays développés pour avoir davantage de croissance, laquelle croissance se répercuterait dans l'ensemble de l'économie et du marché du travail. Mais on s'est aperçu dans les pays dans lesquels la croissance est tirée par un secteur donné, comme le pétrole en Angola par exemple, que cela créait un îlot de développement sans lien avec le reste de l'économie. »

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Selon le rapport de l'Organisation internationale du travail, les pays qui ont le plus investi dans la qualité de l'emploi ces dix dernières années connaissent depuis 2007 une croissance de près d'un point par an supérieure à celles des pays qui n'ont fait aucune démarche en ce sens. Au Sénégal, la croissance s'est amplifiée grâce à la priorité accordée à la qualité de l'emploi. En trente ans, le nombre de travailleurs salariés a doublé, la proportion de travailleurs pauvres a reculé de 34%. Quant à la productivité ? Sur la même période, elle n'a cessé d'augmenter : un demi-point chaque année en moyenne.

Rôle clef de la protection sociale

Les pays émergents et en développement ont finalement mieux résisté que les pays développés, moins exposés, ils ont surtout modifié les règles de la protection sociale. Des mesures ont été prises pour atténuer les inégalités, assurer une meilleure régulation du marché du travail pour lutter contre l'informalité et garantir ainsi davantage d'emplois de qualité. Plus de règle pour moins de précarité et un meilleur développement en somme. Paradoxalement, plusieurs économies avancées, en Europe notamment, ont, elles, emprunté depuis la crise le chemin inverse, en instaurant au contraire plus de flexibilité, plus de précarité dans l'emploi, moins de protection contre le licenciement. Les salaires minimum ont également été revus à la baisse, en Grèce notamment, il a baissé de 22% pour la seule année 2013.

Inversion des flux migratoires

Selon l'Organisation internationale du travail, d'ici à 2019, 90% des emplois créés le seront dans les pays émergents ou en développement. Dans ces pays, de vrais progrès ont été réalisés pour améliorer la qualité des emplois proposés. Le signe le plus évident de ce changement de mentalité est l'inversion récente des flux migratoires.

Depuis quelques années, explique Raymond Torres de l'OIT, les migrants du Sud ne partent plus systématiquement vers le Nord : « Les pays du Sud ont fait d'énormes progrès en matière d'éducation - y compris en Afrique subsaharienne, bien sûr en Amérique latine et plus encore en Asie. Mais la qualité des emplois ne se développant pas parallèlement, il y avait un écart entre les aspirations des jeunes et leurs qualifications d'un côté, et puis le type d'emploi disponible, donc beaucoup allaient vers les pays du Nord, plus développés. Mais depuis le début de la crise, comme les pays du Nord sont dans une situation très difficile, on constate d'abord un développement des migrations Sud-Sud - de pays en développement vers d'autres pays en développement - et il y a désormais une migration du Nord vers le Sud, des pays développés vers les pays en développement, par exemple du Portugal vers le Brésil, ou de certains pays européens vers l'Asie émergente. »

Selon l'Organisation internationale du travail, les économies développées et l'Union européenne demeurent les principales destinations (51%) des migrants vivants dans la région. En 2013, 231,5 millions de personnes vivaient dans un pays différent de leur pays natal. Le nombre total de migrants a été multiplié par 4 en quinze ans, et s'est accéléré sensiblement ces trois dernières années.

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