En dix ans, des superficies équivalant à trois fois la taille de la France ont été vendues dans le monde, note le rapport d’Oxfam. Le phénomène a atteint de telles proportions que, dans les pays pauvres, une superficie agricole égale à celle de Paris se vend toutes les dix heures.
« Le monde connaît une ruée effrénée sur les terres, qui expose des populations pauvres à la faim, à la violence et au risque de vivre le reste de leur vie dans la pauvreté », estime Jeremy Hobbs, directeur exécutif d’Oxfam. En effet, ces transactions foncières pourraient permettre de nourrir un milliard de personnes. Mais au lieu de cela, on y trouve des cultures telles que le soja, la canne à sucre, des palmiers à huile ou encore la jatropha, destinés à la production d'agrocarburants.
Aucun continent n’échappe à cette ruée sur les terres agricoles. Au Liberia, sortie en 2003 de plus de 20 ans de guerre, 30% du territoire national a fait l’objet de transactions foncières en seulement cinq ans. Au Cambodge, on estime entre 56% et 63% la surface des terres arables cédées à des investisseurs privés. Face au phénomène qui s’accentue, des mesures urgentes sont nécessaires.
La ruée sur les terres suit la flambée des prix agricoles
Elles sont d’autant plus urgentes que la menace d’une nouvelle vague d’accaparement de terres plane sur la planète. Les acquisitions foncières, note Oxfam, ont été dopées ces dernières années par la flambée des cours des matières premières agricoles. Or, les prix ne cessent de monter. Après la nouvelle hausse des prix du blé, l'été dernier, Oxfam réclame aujourd'hui un gel pour six mois de ces investissements, le temps d'adopter des mesures d'encadrement plus rigoureuses.
Car ces investissements ne sont pas toujours effectués dans la transparence. Des populations vivant dans la pauvreté continuent d’être expulsées, souvent avec violence, sans consultation préalable ni dédommagement. Beaucoup perdent leur foyer et leurs terres, et se retrouvent dans le dénuement total.
La Banque mondiale doit agir
La Banque mondiale est montrée du doigt par Oxfam. C'est l'organisme d'aide au développement le plus important. Mais c’est aussi elle qui contribue au financement de ces achats de terres. Elle est d'ailleurs dans le collimateur d'une vingtaine de communautés locales qui estiment que ses projets violent leurs droits fonciers. « En appliquant un gel temporaire et en revoyant sa ligne de conduite, elle pourra montrer l’exemple à tous les investisseurs et gouvernements susceptibles d’aider à mettre un terme à ces violations des droits humains et pourra assurer que ces investissements contribuent réellement au développement de communautés parmi les plus pauvres », prévient Oxfam.
L’ONG souhaiterait voir la Banque mondiale geler les acquisitions de terres lors de sa prochaine assemblée annuelle qui se déroulera à Tokyo du 12 au 14 octobre 2012. Suspendre ces investissements donnerait à la Banque le temps de mettre de l’ordre dans ses propres affaires.
En réponse au rapport de l’ONG, un porte-parole de la Banque mondiale a déclaré à RFI : « La Banque mondiale partage les préoccupations d’Oxfam, mais n’est pas d’accord avec l’idée d’un gel des investissements agricoles. Car ce gel interviendrait en pleine période de hausse des prix alimentaires, alors qu’il faudra nourrir 9 milliards de personnes d’ici 2050. De plus, ce gel pénaliserait en particulier les pays dont les pratiques sont les plus vertueuses. »
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