Les islamistes face aux défis économiques

En Egypte, en Tunisie et au Maroc, les islamistes arrivent au pouvoir. Trois pays arabes qui ont en commun le poids du tourisme, un fort chômage et une montée des tensions sociales. Pour ces gouvernements majoritairement islamistes, le chantier est colossal.

En Tunisie, Hamadi Jebali, le secrétaire général du parti des islamistes d’Ennahda, a été officiellement nommé, ce mercredi 14 décembre 2011, chef du gouvernement. En Egypte, ce sont les Frères musulmans qui sont arrivés en tête au premier tour des législatives, suivi par les salafistes du parti al-Nour qui est aujourd’hui, la deuxième force politique du pays. Quant au Maroc, le nouveau Premier ministre est l’islamiste Abdelillah Benkirane, le secrétaire général du Parti de la justice et du développement. Ce vieux routier de la vie politique marocaine a commencé, cette semaine, les discussions avec les trois autres partis pour former un gouvernement de coalition.

Hormis leur volonté de lutter contre la corruption et de rassurer les investisseurs étrangers, les projets économiques des islamistes portés au pouvoir dans ces trois pays arabes restent assez approximatifs. Les plus clairs sont, pour le moment, les Tunisiens qui ont réaffirmé leur soutien à une économie libérale qui favorise l’initiative privée. Pour les dirigeants d’Ennahda, pas question, donc, de pratiquer la rupture en matière économique par rapport au régime Ben Ali. L’une des principales activités du pays, le tourisme - 8% du PIB -, s’est effondré. Pour ne pas effrayer les professionnels, les islamistes d'Ennahda ont rappelé qu’ils n’envisageaient pas d’interdire l’alcool ou les maillots de bain sur les plages tunisiennes.

Chute du tourisme en Egypte et Tunisie

Pour le reste, le projet à long terme est de redéployer l'économie tunisienne. La tache s’annonce difficile. D’autant que la croissance sur l'année 2011 ne devrait pas dépasser 1,5%.

Le chômage, déjà très important sous Ben Ali, a été aggravé par le conflit en Libye et le retour forcé de quelque 100 000 travailleurs tunisiens. Il touche désormais près de 20% de la population active. Pour lancer des projets d’investissements, le nouveau gouvernement tunisien a entamé des démarches officielles pour adhérer à la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd), et ainsi bénéficier de ses lignes de crédit.

L’Egypte paie, elle aussi, le prix fort en terme de tourisme. Les manifestations et l’instabilité sociale ont fait chuter ce secteur d’activité de 25%. Dans ce pays de 80 millions d’habitants où 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour, le tourisme constitue un gisement d’emplois bienvenu dans un pays marqué par le chômage. Près de 90% des chômeurs sont, en effet, des jeunes de moins de 30 ans. Relancer le tourisme est donc essentiel pour l’avenir de l’Egypte, à tel point que le guide suprême des Frères musulmans s’est fait photographier devant les pyramides en compagnie de touristes. Mais les salafistes du parti al-Nour évoquent une autre forme de tourisme, qui prône notamment la séparation des sexes sur les plages ou bien encore l'interdiction de l'alcool dans les stations touristiques.

Croissance élevée pour le Maroc

L’impact négatif de la situation politique se ressent également sur la confiance des investisseurs en Egypte. Nissan, Lukoil, Lafarge, France Télécom… plusieurs grandes entreprises ont fortement réduit leurs activités sur place.

Résultat, les investissements directs étrangers se sont élevés à 65 millions de dollars à la fin du semestre 2011 contre 2,3 milliards de dollars pour la même période en 2010. Selon les statistiques officielles, les réserves du pays ont chuté de 36 milliards de dollars en novembre 2010 à 20 milliards en novembre 2011. Quant au déficit budgétaire, il est aujourd’hui estimé à 22 milliards de dollars. Pour bon nombre d’experts, le risque est grand que l’Egypte traverse une très grave crise en 2012, si un programme d’appui régional n’est pas rapidement mis en place.

Au contraire de ces deux pays voisins, le Maroc jouit, d’une part d’une croissance élevée avec une prévision de 4,6% pour 2011 et d’autre part d’une situation stable en matière d’investissements étrangers. Mais le pays souffre d'une montée des tensions sociales, avec une pauvreté toujours très importante, et un très fort chômage des jeunes. Autant de défis qui vont se poser au futur gouvernement marocain qui a promis une revalorisation du salaire minimum et une hausse des pensions de retraites.

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