«Continuer», quand tout a échoué

Le film prend la posture d’un western, joue le jeu subtil d’un psychodrame et opère la fascination d’une fiction qui sent le vécu. Après « L’économie du couple », où il avait ausculté une famille en train de se déchirer, le cinéaste belge Joachim Lafosse nous embarque dans « Continuer ». Cet impressionnant double portrait sort ce mercredi 23 janvier en salles en France. Il montre une mère et un fils traversant à cheval les paysages surprenants et rarement filmés du Kirghizistan. Virginie Efira interprète avec brio une fragilité lumineuse et Kacey Mottet-Klein exprime avec éclat le désarroi d’un jeune basculé par la vie et tourmenté par la perte de ses racines.

« Ce voyage est tout ce qui me reste. » Pour Sibylle, c’est la dernière carte à jouer pour empêcher son fils resté ado de tomber dans la délinquance. Elle avait abandonné Samuel après la naissance, comme elle avait quitté le père de son fils et après son mari : une fuite en avant pour chercher une liberté restée introuvable.

Vingt ans après, elle se retrouve dans le rôle de la mère pour sauver son fils. C’est décidé, elle embarque son fils pour amadouer sa violence par leur seule passion commune : le cheval. Ensemble, ils traversent les plaines et les montagnes du Kirghizistan sur le dos de deux chevaux majestueux pour donner enfin un sens à leur vie ratée et rattraper le temps perdu.

Les paysages, les chevaux et les hommes

Le film commence au galop, fait crier les hommes et hurler les loups. Et il reste jusqu’au bout à un rythme soutenu. Le génie du réalisateur dans cette libre adaptation du roman de Laurent Mauvignier, c’est de fusionner d’une manière incroyable et presque féérique les paysages, les chevaux, Sibylle et Samuel. Les déserts, les roches et les ruisseaux semblent chanter, les chevaux murmurer, les hommes brouter, galoper et paniquer.

La caméra capte les sous-entendus, rend palpable la relation pourrie entre fils et mère, rend visibles leurs réactions viscérales. Tout passe par l’instinct. Samuel se fie et se confie qu’au cheval, sa mère se limite à son journal intime. Chacun reste dans sa bulle, continue à vivre sa vie, se souvenir de son passé et de penser son avenir tout seul.

Comment continuer ?

Donc, comment continuer ? Comment s’ouvrir à l’autre ? Surtout quand, jusque-là, tout a échoué. Le chemin passera par les faiblesses de l’un et de l’autre. Sur le dos des chevaux, tout resurgit. Le fils, tiraillé entre ses racines russes et françaises, revit abandon et blessures. La mère affronte de nouveau absence et mensonges. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus échapper à la vérité de l’autre.

La caméra se transforme en témoin privilégié. Elle nous raconte leur vie intérieure en images, tournant autour, se plaçant tantôt en haut, tantôt en bas, comme si elle cherchait la faille pour entrer dans leur vraie personnalité enfouie.

A la fin, nous nous identifions aux deux personnages et Joachim Lafosse réussit à donner corps aux rages et aux ressentiments du couple mère-fils à travers des chevaux en mouvement. Il fait vibrer les âmes dans des paysages désertiques, des montées sinueuses, des chemins caillouteux et des rivières marécageuses. Le périple sera long, le paysage surprenant et la fin inattendue.

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