Accueillie avec des applaudissements dignes d’une star de rock, Christiane Taubira se lance face à la foule avec un poème féroce de Léo Ferré : « Le désordre, c’est l’ordre moins le pouvoir ». Et avant de laisser la place aux comédiens pour interpréter cette alchimie trouvée entre pensée politique et force poétique par la metteure en scène Anne-Laure Liégois, Taubira rappelle encore une fois l’importance de toutes ces œuvres qui l’ont inspirée et dont les mots, les phrases, les chants, les cris des hommes et des femmes résonneront les prochaines deux semaines à midi dans ce pittoresque jardin Ceccano du Festival d’Avignon.
« Des auteurs et textes que j’aime »
L’idée est simple, explique Christiane Taubira, ce feuilleton est autour de grands penseurs et textes qui l’ont influencée : « Des textes collectés à partir d’auteurs et de textes que j’aime, autour des thématiques que j’ai choisies absolument librement. »
Au début, la scène est pratiquement vide, mais les dossiers de la douzaine de chaises vides brandissent déjà les noms des penseurs qui seront sollicités lors de ce premier feuilleton autour du thème des femmes, des réfugiés, de l’accueil, des combats pour « chercher le chemin à la terre promise » : le Chilien Pablo Neruda (« Je veux vivre dans un pays où il n’y ait pas d’excommuniés »), Léopold Sédar Senghor, le premier Africain à siéger à l’Académie française (et qui sera honoré dans le Focus Afrique), mais aussi le prix Nobel de littérature Saint-John Perse, né en Guadeloupe, ou la poétesse somalienne Warsan Shire, née de parents kenyans, mais devenue citoyenne britannique, avec sa phrase : « Personne ne quitte sa maison, sauf si sa maison est dans la gueule d’un requin. »
Quand une femme politique entre en scène théâtrale
Mais, bien entendu, dans le jardin Ceccano du Festival d’Avignon, « nous ne sommes pas dans l’arène politique, nous ne sommes pas dans le moment du combat : nous en partageons les traces », affirme Christiane Taubira. Justement, que se passe-t-il alors quand une femme politique entre en scène théâtrale ?
« Je ne triche jamais. Lorsque je monte sur scène, que ce soit pour une réunion publique ou une réunion politique, en fait, je parle toujours aux gens. Même si je dis des extraits de poèmes, je parle aux gens. Je suis dans une relation franche. En plus, je n’ai même pas les contraintes du comédien ou de la comédienne qui consisterait à bien servir un texte, à faire attention à porter le texte tel quel l’auteur y a pensé. Moi, je porte ma parole, donc c’est un travail très facile à faire. Mais c’est plus une relation qu’un travail. »
« La littérature et la politique s’abreuvent aux mêmes sources »
L’ancienne ministre de la Justice assure de ne pas concevoir la politique sans littérature, « et pour moi, la littérature doit parler des gens : des souffrances, des joies, des bonheurs, des capacités d’invention des gens. Et la politique n’a pas de sens, n’a pas de raison d’être, s’elle ne s’occupe pas de la situation des gens… Pour moi, cet exercice est l’illustration magistrale que la littérature et la politique s’abreuvent aux mêmes sources. »
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