On ne résiste pas à un regard d'enfant. L'histoire avance les yeux dans les yeux. Cinq enfants partagent avec nous quelques instants de leur vie, une vie pas tout à fait comme la nôtre et en même temps rien ne nous sépare vraiment. Car leur particularité peut nous rattraper à tout moment. La maladie et la mort nous guettent tous. Et nous sommes tous désemparés face à la tragédie.
C’est un combat pour la vie de chaque instant. Par exemple, quand la mère fait pénétrer dans le nez de son fils une canule. Elle traverse la narine et va beaucoup plus loin encore... Imad souffre, la mère est peinée, mais c'est pour son bien. Du coup, il nous regarde avec insistance, comme s'il disait : 'comment définissez-vous le bonheur ?'
Les enfants, notre équipe anti-douleur
Ils s’appellent Ambre, Camille, Imad, Charles et Tugdual. Ils courent dans les couloirs de l’hôpital et pourraient remplir à eux seuls toute une pharmacie avec leurs ordonnances à n'en plus finir. Leurs pathologies sont aussi graves qu’imprononçables, mais ils essaient quand même de vaincre les mots et leurs maladies. C’est fou à regarder sur grand écran comment ces enfants nous aident, nous épaulent, nous font accepter la face noire de la vie pour savourer les instants de bonheur qui valent d'être vécus. Pendant la durée du film, ils sont notre équipe anti-douleur.
D’un point de vue étymologique, le mot enfant vient du latin infans et signifiait chez les Romains « celui qui ne parle pas ». Mais, qu’est-ce qu’on découvre dans le film ? Des enfants jonglant avec les mots et leurs maux comme un banquiste pratiquant les arts du feu. Le cancer se transforme parfois en « concert », la tumeur en « tuneur », l’épidermolyse bulleuse en « fragile comme des ailes de papillon ». Curieusement, le neuroblastome, cette tumeur maligne qui se développe à partir du système nerveux sympathique, reste intact dans la bouche de Camille et c’est sûrement aussi lié à sa fierté de maîtriser ce mot qui fait flipper les adultes.
Anne-Dauphine Julliand, « Deux petits pas sur le sable mouillé »
Avant de filmer ces bouts de bonheurs et de malheurs, la réalisatrice Anne-Dauphine Julliand, 44 ans, avait elle-même perdu un enfant en bas âge. Son deuxième enfant, Thaïs, a succombé à une leucodystrophie métachromatique, une maladie génétique dégénérative incurable. Ensuite, Julliand a transformé cette expérience tragique pour raconter dans un livre sa vie avec sa fille : Deux petits pas sur le sable mouillé, publié en 2011, sera vendu à plus de 350 000 exemplaires en France et traduit en 20 langues. Et quand elle a décidé d’adapter le livre pour le cinéma, elle s’est souvenue que, à chaque fois quand elle se mettait à écrire, elle chantonnait Et les mistrals gagnants, cet hymne à l’insouciance, composé par Renaud : « À remarcher sous la pluie cinq minutes avec toi / Et regarder la vie tant qu'il en a… »