Baudelaire a écrit : « Tout est nombre. Le nombre est dans tout. Le nombre est dans l’individu. Le nombre est dans l’ivresse. » John Coetzee nous suggère peu ou prou la même idée dans un roman qui fait suite à Une enfance de Jésus, paru en 2013, fondé sur un thème inhabituel : comment reprendre une vie en faisant fi du passé ?
Nous retrouvons, arrivés en réfugiés dans un pays hispanophone fictif, le jeune David, bientôt sept ans, et son protecteur Simon. Accompagnés d’Inès, une jeune femme locale choisie pour devenir la mère de l’enfant, les voici qui débarquent dans une petite ville du sud.
Il est temps de scolariser le garçonnet, à la fois sensible et distant, qui ne cesse d’interroger les adultes. On l’inscrit dans une académie de danse, tenue par la splendide Ana Magdalena au teint d’albâtre. Sa philosophie curieuse repose sur l’appel des nombres qui naviguent parmi les étoiles.
Mais le monde des chiffres et de la beauté se trouve mis à mal par la passion dévorante. L’enfant continue de grandir en dehors des normes. « Je sais ce qui se passe dans le monde », affirme-t-il aux adultes qui, visiblement, sont déconnectés du sien.
Avec son style étonnamment lisse, ses personnages déracinés mais de bonne volonté, ses références à Don Quichote, ses noms bibliques, Coetzee nous entraine dans une fable envoûtante. A travers le héros, répétitivement mentionné comme lui, Simon, il s’interroge sur le rôle des adultes face aux enfants.
La morale de sa belle histoire, c’est de se laisser aller au rythme de l’univers.
J.M. Coetzee, The Schooldays of Jesus, Harvil Secker, 2016
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