De fait, pour Guillaume Erner, « la meilleure façon de comprendre une époque est de se pencher sur ses obsessions. La nôtre est obsédée par la célébrité », écrit-il. C'est elle le moteur, dans tous les domaines de l'activité pour l'espèce humaine version 2016. Surtout à l'heure de l'internet, des réseaux sociaux et de la « télé-réalité » devenue, selon l'auteur, « le symbole de la possibilité pour tous d'être célèbre, comme l'a magistralement montré le premier programme français de ce type, Loft story ».
La société médiatique a en effet créé sa propre hiérarchie sociale. « Elle s'est dotée de son propre système de valeurs, d'une hiérarchie et d'une élite », assure l'auteur qui se penche sur les raisons qui poussent un certain nombre d'entre nous à vouloir être célèbre ; orgueil, vanité, désir de s'enrichir à l'heure du capitalisme triomphant.
Les bons soldats du système
Justement, les people ne sont pas des rebelles. Ils sont au contraire au service de la société de consommation. « Si les chômeurs forment l'armée de réserve du capitalisme, les people en sont les soldats d'active. Chaque jour, ils montent au front pour défendre la consommation, contrecarrer la décroissance, entourer de leur sollicitude de nouveaux gisements de chiffre d'affaires », souligne Guillaume Erner. En outre, loin d'être des acteurs de la culture (subversive en principe), ils sont au contraire les serviteurs de l'industrie du divertissement qui, selon les philosophes Adorno et Horkheimer, favorise l'ordre établi. L'auteur cite aussi Marcuse (voir les archives du magazine Idées), selon lequel la célébrité est une fausse valeur qui réprime les désirs réels des individus.
Dans son livre, Guillaume Erner étudie quelques articles de la « presse people » et raconte comment la fabrication d'un « people » relève d'un récit. Selon lui, ces récits sont même plus importants que les personnages. Ce qui compte, c'est leur côté «Il était une fois... » Pour faire rêver le lecteur et le plus souvent la lectrice. Ce sont, dit-il « des contes pour adultes ». Et tant pis si, dans ces histoires à dormir debout, la vulgarité et le voyeurisme nourrissent le rêve... L'auteur explique comment, selon lui, nous en sommes arrivés là. Le sociologue se fait historien. Il remonte le temps, de la gloire des chevaliers à la notoriété bourgeoise jusqu'au « buzz » de l'internet. Ce bourdonnement propagé sur la Toile s'avère, désormais, le premier signe de la célébrité à bas prix.
Dans son livre qui ne manque pas d'humour et de formule-choc, Guillaume Erner se fait aussi l'avocat du diable. Il pense même que les people sont les symboles « d'une époque où le sentiment du semblable a pris le dessus sur tous les autres ». Plus de hiérarchie en somme.
Chacun a sa chance dans le culte de la célébrité. « Le système des people refuse toute forme de hiérarchie immuable, qui pourrait donner naissance à un despotisme ».
Reste la question : qu'est-ce qu'au fond un people ? Un individu « célèbre en raison de sa célébrité », pour reprendre une fameuse définition.
Guillaume Erner est l'invité du magazine Idées, dimanche 3 avril 2016, à 15h10 TU.