Cela fait des années que Jean Nouvel mène un bras de fer avec la Philharmonie. Ils n'en sont d'ailleurs pas à leur premier procès. L’architecte à la renommée internationale, lui qui a construit l’Institut du monde arabe à Paris, lui qui est en train de construire le Louvre Abou Dhabi, s’est empêtré dans ce chantier de la Philharmonie. Il y a perdu son associé de vingt ans, Michel Pélissié, qui a préféré claquer la porte en décembre 2012. Il a entretenu des rapports conflictuels avec le directeur général de la Philharmonie, Patrice Januel, alors qu’ils avaient construit ensemble le Musée du Quai Branly à Paris. Il a refusé de se présenter à l’inauguration de la salle, le 14 janvier, parce que, dit-il, son oeuvre a été dénaturée. Sa demande auprès des juges était de faire valoir son droit d’auteur et d’artiste sur ce bâtiment qui lui a échappé.
Pourquoi ce bâtiment lui a-t-il échappé ?
C’est bien toute la question. Il accuse la Philharmonie de l’avoir écarté du chantier, dès septembre 2013, et de s'être immiscée dans son champ de compétences. La Philharmonie rétorque que c’est Jean Nouvel qui a rendu le chantier ingérable. Comment ? En remettant, début 2013, un dossier avec de tout nouveaux dessins. Les murs ne devaient plus refléter le son avec des éléments courbes, mais carrés. Les foyers de la grande salle étaient redéfinis. Les retards se sont accumulés, mettant en difficulté les entreprises. Un choix de peinture pouvait prendre plus d’un an. RFI a rencontré Michel Pélissié, son ancien associé : celui-ci estime que la Philharmonie n’avait pas d’autre choix que de pallier les manquements des Ateliers Jean Nouvel.
Il faut savoir que le départ de Michel Pélissié s’est couplé d'un changement d'équipe : le chef de chantier a été dépêché sur un autre projet. Dans le même temps, Jean Nouvel a conforté un jeune architecte qui entretient des relations tendues avec la maîtrise d’ouvrage.
L’injonction contradictoire
Le ministère de la Culture et la mairie de Paris, qui financent le bâtiment, ont bien tenté de colmater les brèches… C’est l’injonction contradictoire : les pouvoirs publics veulent maintenir des relations acceptables avec Jean Nouvel, alors que la Philharmonie est tentée de rompre le contrat avec l’architecte. Il faut rester dans les clous budgétaires alors que Jean Nouvel pousse en permanence à la négociation, parce qu’il estime le prix de départ trop faible. Ces négociations ont failli aboutir. En novembre 2014, nous raconte Michel Pélissié, la Philharmonie et les tutelles proposent un pacte à Jean Nouvel : une rallonge budgétaire, quelques ultimes modifications du bâtiment, contre un apaisement des relations. Cela ne convient pas à Jean Nouvel.
Jean Nouvel ne s’avoue pas vaincu
Même si les juges ont pointé ses manquements ; ils disent que l’œuvre revendiquée par Jean Nouvel n’est pas définie clairement dans le dossier et que sa demande est irrecevable. Jean Nouvel persiste, le tribunal a simplement manqué d'éléments pour se prononcer, dit-il, avant de conclure : « Ce n’est que partie remise ». Le bras de fer est loin d’être fini.