Vous affichez de grandes ambitions, dont la renaissance de la culture cinématographique en RDC. Comment y arriver avec un secteur qui ne se porte pas très bien aujourd’hui ?
En fait les difficultés sont les mêmes comme partout dans le monde. Mais la plus grande difficulté que nous avions ici, c’est l’inexistence d’une structure ou encore d’une culture cinématographique au niveau de la population. Donc il faudrait commencer par réhabituer la population au cinéma, parce que, évidemment, ils connaissent les films, mais ils s’arrêtent à la télévision. Le cinéma, c’est autre chose et la culture cinématographique en est aussi une autre. Il faut également essayer de mettre en place des structures qui accompagneraient les productions cinématographiques en RDC.
Il n’y a pas de salles, il n’y a pas de filières de production organisées.
Il n’y a rien. Il n’y a pas de salles de cinéma. A Lubumbashi, on me dit qu’il y a encore une salle, mais à Kinshasa, il n’y a aucune salle de cinéma en ce moment. Il n’y a aucune structure qui finance les productions des films. Il n’y a aucune structure de production très bien organisée et qui a un programme bien établi. Il n’y a aucune structure de financement. Donc il n’y a rien.
Mais pourtant, il y a des jeunes cinéastes comme vous qui y croient ?
Effectivement. On est vraiment nombreux et jusque-là, on fait nos petits films avec les moyens du bord, avec l’argent de notre poche. Il y en a aussi qui font des films sans argent. Ils prennent du matériel à gauche, à droite. Ils font quand même de bonnes œuvres. Et ça se voit, c’est remarquable.
Y a-t-il une nouvelle génération de cinéastes congolais qui émerge malgré toutes ces difficultés ?
Je fais partie de cette nouvelle génération de cinéastes. Je peux aussi citer Dieudo Hamadi qui n’arrête pas de représenter le pays partout dans le monde avec ses films. Il y en a vraiment beaucoup qui feront parler d’eux dans les jours qui viennent. Donc il y a vraiment un mouvement qui, jusque-là, n’est pas encore international, qui est resté dans les ghettos. Dans les jours qui viennent, il y aura un mouvement du cinéma congolais qui sera remarquable, en Afrique et partout dans le monde.
Comment est-ce que vous vous formez ?
C’est vraiment l’art de la débrouille. Moi par exemple j’ai commencé comme ça comme autodidacte. Après j’ai eu la chance d’aller faire la Femis [École nationale supérieure des métiers de l'image et du son, ndlr] de Paris. C’était juste l’université d’été. Il faudrait aussi courir derrière quelques formations à gauche et à droite. Mais sinon, il n’y a pas une vraie structure de formation cinématographique. Il y a l’école de Djo Tunda qui venait d’ouvrir. Il y en a qui se forment par internet, qui se renseignent, qui bénéficient de la petite expérience des autres, qui se forment aussi comme ça sur le tas.
Votre film Mbote ! va être présenté au Festival international de cinéma de Kinshasa, pouvez-vous nous raconter l’histoire ?
Pour Mboté, je ne suis pas allé chercher l’histoire moi-même. Je suis resté dans le quotidien de la jeunesse congolaise parce que, aujourd’hui, cette jeunesse a beaucoup de problèmes. Le pays est en phase de reconstruction aussi. Donc il y a vraiment de sérieux problèmes et on est face à une jeunesse qui pour la plupart ne baisse pas les bras. La plupart des gens vivent du jour au lendemain. Donc je ne suis pas allé loin pour chercher mon histoire. Je suis allé dans le quotidien de la jeunesse congolaise parce que ce film, je l’ai d’abord fait pour les Congolais. C’est pourquoi d’ailleurs il est très bien accueilli ici à Kinshasa. Donc Mboté, c’est l’histoire d’un jeune homme qui est buté à des problèmes d’argent alors qu’il doit faire soigner son fils malade qui est retenu à l’hôpital parce qu’il n’a pas d’argent. Donc c’est son parcours de la journée qui montre en même temps comment la jeunesse congolaise est en train de vivre.
Diriez-vous que beaucoup de films de cette nouvelle génération de cinéastes congolais ont envie de raconter les problèmes du quotidien ?
Non, parce qu’il y a une forte influence du cinéma américain. D’autant plus qu’il n’y a pas eu une vraie histoire du cinéma congolais qui se transmet. Donc pour la plupart des gens qui se forment en voyant d’autres films dans d’autres pays, il y a encore cette forte influence du cinéma américain et français. On espère vraiment qu’un jour on aura notre propre cinématographie.
Comme tous les grands festivals, le festival international de cinéma de Kinshasa a aussi une compétition officielle. Les films, d’où viennent-ils ?
Pour la première édition, les films sont venus de partout. On a eu une coopération ou encore un parrainage du Festival international de Clermont-Ferrand qui nous a envoyé plus ou moins 15 films. Des films qui ont été primés au festival de Clermont-Ferrand ou qui ont été remarqués par le public. On a aussi des films qui viennent partout de l’Afrique : du Tchad, du Gabon, du Congo-Brazzaville, du Cameroun. On a vraiment des films qui viennent de partout.
1er Festival international du cinéma de Kinshasa (Fickin), du 27 au 30 juin.