« Notre vraie première langue, ce n’est pas l’arabe, le français ou l’anglais, c’est l’image » déclare Jean Plantu dans le film avec une voix déterminée. Ils sont 12 provocateurs, caricaturistes issus des quatre coins du monde, audacieux et drôles, défendant la liberté d'expression parfois au péril de leurs vies. En dessinant sur la religion, l'économie, la politique, la guerre, ils testent en permanence le degré démocratique de leurs pays.
Ce sont des fantassins de la démocratie, explique le réalisateur Radu Mihaileanu qui a coordonné le projet avec Stéphanie Valloato. « C’est un geste d’amour. Rendre hommage à des gens formidables que moi, je considère être des héros modernes. J’en ai marre des faux héros. Et comme disait une spectatrice qui était sortie du film : ‘Mais qu’est-ce que c’est bon à voir et à entendre des gens qui ont des vraies choses à dire, qui sont drôles, humains et touchants, alors que toute la journée on entend partout à la télé et à la radio des gens qu’on voit et entend beaucoup, mais qui n’ont rien à dire.’ Donc c’est un hommage rendu aux fantassins de la démocratie, à des petits gens, à des grands bonhommes qui sont en première ligne, qui dessinent au péril de leur vie, au péril de leur liberté, juste pour défendre nos démocraties, la liberté d’expression, des idées qui sont les nôtres, et que nous, parfois, on n’ose pas à exprimer. »
Les filles courageuses
A l'origine de ce film, il y a Plantu, le célèbre dessinateur du journal Le Monde, fondateur de Cartooning for peace, une association destinée à médiatiser le travail des caricaturistes, à les protéger aussi. Le caricaturiste syrien Ali Ferzat dont les deux mains avaient été brisées en aout 2011 en guise d'avertissement par le régime de Bachar el-Assad a pu sortir de son pays grâce à un réseau de solidarité. « Par exemple, raconte Plantu, on y montre des filles comme la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari qui signe ses dessins sous le nom de Willis from Tunis, qui, parfois, met sa vie en danger quand elle fait des expos dans un petit quartier à côté de Tunis. Il y a des salafistes qui peuvent venir dans sa galerie et tout bousiller. Il y a deux ans, même le ministre de la Culture peut dire des choses inavouables sur la création où il ne soutient pas la création artistique. Ces filles courageuses, on les met en avant, comme la dessinatrice vénézuélienne Raima qui a le courage de faire des dessins contre le régime de Nicolas Maduro Moros, comme elle faisait des dessins contre le régime d’Hugo Chavez avant. Des fois, elle est menacée parce qu’on dit son nom, son adresse, ses orientations sexuelles à la télévision et elle se dit : ‘je ne vais pas pouvoir sortir de chez moi’. »
« On veut témoigner »
Pour réaliser les tournages en Venezuela, au Mexique, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Israël, il a fallu ruser, louvoyer, comme l'explique le coordonnateur du projet Radu Mihaileanu : « La première difficulté était de ne pas mettre en danger les caricaturistes, parce qu’il y avait certains régimes qui – sachant qu’on filmait – voulaient les mettre en danger et aussi mon équipe de tournage. Il fallait les protéger. [Finalement on a réussi à le faire, ndlr], grâce aussi aux ambassades de France de certains pays, grâce à des ruses qu’on devait déployer pour que le régime en question ne soit pas au courant qu’on tourne dans leur pays, qu’on tourne avec un dessinateur qui est interdit, mais il y avait quelques aventures. Heureusement, il n’y a jamais eu de mauvais événements ou de tragédies. Ce que nous leur avons demandé tout de suite : faites attention, ce film sera vu dans le monde entier, est-ce que vous êtes sûr qu’il ne va pas vous desservir ? » La plupart des dessinateurs de ces pays délicats nous ont dits : ‘non, on veut témoigner, parce que ce film nous protégera’. »
Caricaturistes, fantassins de la démocratie dresse un portrait du monde qui nous entoure avec gravité, émotion, mais aussi avec beaucoup d’humour. On rit énormément, c'est très malicieux, malgré le tragique des situations.